Par Idriss Adar
Le nouveau Premier ministre syrien, Mohamed Al-Bachir, est apparu sous une nouvelle image, radicalement différente de celle qu’il avait lorsqu’il était ministre au sein du gouvernement formé par Hayat Tahrir al-Cham, la branche syrienne d’Al-Qaïda. Des photos de lui avaient fuité, le montrant brandissant un couteau et menaçant ses opposants. Aujourd’hui, il est présenté comme un ingénieur et docteur. Face au débat médiatique suscité par son parcours, les islamistes n’ont trouvé qu’un seul argument : les groupes armés en Syrie auraient entrepris des révisions idéologiques.
Peu avant d’atteindre Damas, suivant la stratégie de « remise et prise de pouvoir » qu’ils ont qualifiée de révolution, ces dirigeants n’étaient rien de plus que des figures radicales, ne jurant que par un seul slogan : « Nous sommes venus pour égorger ». Soudainement, ils se proclament défenseurs de la démocratie, de la liberté d’expression et du respect des divergences religieuses et doctrinales. Ils ont même publié une directive générale demandant aux « révolutionnaires » de ne pas s’en prendre aux femmes non voilées.
Cependant, derrière les discours publics, des milices lourdement armées traquent et tuent. Plusieurs scientifiques syriens ont été assassinés, à l’instar de ce qui s’était produit en Irak en 2003, où des dizaines de cadres supérieurs avaient été éliminés. Aujourd’hui en Syrie, des figures brillantes sont exécutées de sang-froid.
Le meurtre sur la base de l’identité religieuse ou ethnique est devenu une caractéristique dominante de la situation syrienne. Derrière les célébrations relayées par des chaînes spécialisées dans l’incitation, une réalité tragique persiste.
La journaliste syrienne Mirella Abou Shannab a raconté avoir été, pour la première fois de sa vie, interrogée en pleine rue par des hommes armés anonymes sur son appartenance religieuse : « Êtes-vous alaouite, chrétienne, druze ou chiite ? », au cœur même de Damas. Selon ses dires, ses interrogateurs appartenaient à Hayat Tahrir al-Cham. Elle est apparue dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, exprimant avec douleur qu’elle n’avait jamais été questionnée sur sa religion auparavant. Beaucoup de ses amis ont découvert pour la première fois qu’elle était chrétienne à travers cette vidéo.
Les révisions ne se produisent pas par hasard ni en un temps record. Elles résultent d’un choix conscient chez ceux qui possèdent des idées et réalisent, à travers les développements, la nécessité de les changer. Mais quels sont les principes de ces groupes ? Ce sont des milices de meurtriers et de criminels dont l’unique objectif est d’éliminer leurs opposants. Comment peut-on extirper l’esprit meurtrier d’un assassin ? Est-il si simple de les transformer en êtres inoffensifs ? Certains d’entre eux ont passé deux ou trois décennies à tuer.
Le chef autoproclamé de la « révolution », Abou Mohammad Al-Joulani, a lui-même reconnu ses crimes, justifiant ses actions passées par la fougue de la jeunesse. Il est impliqué dans des massacres majeurs, comme celui de la base de Speicher en Irak, ainsi que dans des dizaines d’actes de meurtre, de viol et de vente de captives. Quand a-t-il procédé à ses révisions idéologiques ?
Il est certain que ces révisions sont orchestrées dans les salons de coiffure américains. Cependant, elles ne concernent pas les bases, qui restent attachées à leur essence et continuent à tuer.