Deux initiatives à la Chambre des représentants se révèlent redondantes : la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’importation du bétail et les subventions accordées aux importateurs, proposée par les groupes d’opposition ; et la formation d’une commission d’information sur le même sujet, cette fois proposée par les groupes de la majorité.
Le plus surprenant, c’est que l’affaire a d’abord été révélée par le Parti de l’Istiqlal. C’est d’abord le ministre Ryad Mezzour, lors d’une intervention sur une chaîne publique, qui a affirmé que 18 grands commerçants de bétail contrôlaient le marché et fixaient les prix de la viande rouge, tout en promettant une intervention gouvernementale. Puis c’était au tour de Nizar Baraka, secrétaire général du même parti, qui a dénoncé lors d’une réunion partisane le fait qu’une poignée d’importateurs ait profité du soutien public.
Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants et membre du Rassemblement national des indépendants, à la tête de la majorité et du gouvernement, a ensuite contesté les chiffres avancés par le chef de l’Istiqlal – pourtant membre de la majorité – avant que le gouvernement ne se voit contraint de révéler partiellement ces chiffres, notamment une liste d’entreprises agricoles et non agricoles ayant bénéficié des aides à l’importation du bétail pour l’Aïd al-Adha en 2023 et 2024.
Un profond désaccord subsiste entre les parties sur les bénéficiaires réels de ces subventions. Le Parti de l’Istiqlal aurait logiquement dû rejoindre le camp qui partageait ses préoccupations – l’opposition – pour permettre la constitution légale de la commission d’enquête. Pourtant, il a choisi de rester fidèle à la majorité. Cela soulève plusieurs hypothèses : Nizar Baraka a-t-il été menacé ou recadré par le chef du gouvernement ? Était-ce une manœuvre électorale ? Ou bien voulait-il détourner l’attention d’un autre scandale qui entoure le chef du gouvernement, à savoir celui de la désalinisation de l’eau de mer ?
La commission d’enquête vise à établir la vérité et se compose de parlementaires issus de tous les groupes. Ce n’est donc pas une commission de l’opposition. La majorité aurait eu tout intérêt à l’accepter, pour « mettre les choses au clair », comme on dit, et embarrasser ceux qui dénoncent des dysfonctionnements que le gouvernement ne reconnaît pas. Logiquement, dans cette affaire, le Parti de l’Istiqlal aurait dû soutenir l’opposition, au lieu de fuir lorsqu’il est temps d’agir, et accuser ensuite l’opposition de chercher uniquement le « buzz ». Ne devrait-il pas se demander si ce qu’il a fait n’est pas en soi le summum du « buzz » ?
Celui qui fuit une commission d’enquête a quelque chose à cacher. De quoi a donc peur la majorité pour vouloir détourner l’enquête vers une commission d’information ?
La simple proposition d’une commission d’information est en soi une tentative du gouvernement, grâce à sa majorité numérique, de noyer le poisson, de banaliser l’affaire au point qu’elle perde tout son sens.
Mais le gouvernement semble oublier qu’en agissant ainsi, il viole la Constitution, qui accorde à l’opposition une place de choix, la plaçant même avant le gouvernement dans plusieurs articles. Elle lui confie notamment la présidence de la commission de la justice et de la législation, dans un esprit de démocratie et de contrôle de l’action gouvernementale. Ce détournement est donc une violation de la Constitution.
Alors, qui a peur de la vérité ? Y a-t-il des figures majeures du « lobby des grands intérêts », dominant le gouvernement, impliquées dans le scandale des « firaqchia » ?