« Désormais, chaque femme marocaine a moins de deux enfants. » C’est ce qu’a révélé le Haut-Commissaire au Plan lors de la présentation des résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2024.
Que signifie cela ? Cela signifie que les Marocaines ne sont plus aussi fertiles qu’autrefois, comme en témoigne la diminution de 0,85 % de la population. Comment cette population pourrait-elle augmenter si ses femmes deviennent de moins en moins mères ?
Pourquoi nos femmes ne donnent-elles plus naissance ? Est-ce parce qu’elles privilégient leur apparence et leur silhouette au détriment de leur instinct maternel ? Ou est-ce un choix contraint ? Je pencherais pour cette dernière hypothèse. Il est probable qu’elles ne soient pas totalement libres de cette décision, notamment lorsqu’il s’agit d’avoir des enfants.
Je crois que lorsqu’une femme décide de ne pas avoir d’enfants ou de n’en avoir qu’un seul, ce n’est ni un caprice ni une mode. C’est plutôt la conséquence de transformations sociales profondes qui pèsent lourdement sur elle. Cette décision est loin d’être facile.
La grande famille marocaine, où la femme enfantait et la grand-mère élevait, tend à disparaître. La femme est désormais engagée dans le marché du travail, et les changements culturels et sociétaux ont conduit à considérer les enfants comme un fardeau. Autrefois, ils étaient perçus comme un moyen de renforcer le lien avec le mari et de garantir la stabilité du mariage, suivant les conseils des aînées : « Fais des enfants pour le retenir. » Aujourd’hui, sous le poids des contraintes de la vie, hommes et femmes sont accablés, mais c’est souvent la femme qui porte seule la responsabilité économique du foyer.
En témoignent les chiffres : la proportion de familles dirigées par des femmes est passée de 16,2 % en 2014 à 19,2 % en 2024. La femme, qu’elle soit en couple ou non, est confrontée à la recherche incessante de « quoi manger », ce qui limite sa capacité à envisager une famille nombreuse, surtout en période de crise.
Pour une femme active, avoir un enfant se transforme souvent en « parcours du combattant », une épreuve qui ne s’achève qu’à l’âge de 3 ans, lorsqu’elle peut enfin inscrire son enfant en crèche. Quant aux femmes divorcées, leur situation est encore plus difficile. Elles doivent jongler entre l’éducation de leurs enfants et la recherche d’un revenu, tout en attendant l’exécution souvent incertaine d’un jugement de pension alimentaire.
Par ailleurs, de nombreux jeunes, hommes et femmes, préfèrent aujourd’hui la cohabitation à l’engagement officiel du mariage, qu’ils jugent « trop contraignant ». Les conflits dans ce type d’union non formalisée n’entraînent ni obligations ni droits à respecter.
Quant aux célibataires, les chiffres du Haut-Commissariat au Plan révèlent que 40,7 % des femmes et 28,3 % des hommes sont toujours célibataires.
Loin des discours habituels sur les droits des femmes, souvent réduits à la lutte contre les violences, un enjeu plus grand se pose aujourd’hui : le droit de la femme à devenir mère, à être épouse et à construire une famille. Ce droit est menacé à cause de la chute drastique du taux de fécondité, désormais inférieur au seuil de renouvellement des générations.
Le Maroc devra faire face dans les années à venir aux conséquences de cette baisse de la natalité : vieillissement de la population, pénurie de main-d’œuvre et menaces sur la sécurité nationale. Sommes-nous prêts à relever ces défis ? Malheureusement, sous l’égide d’un gouvernement qui ne rate jamais une occasion de vanter des réalisations invisibles, notre pays est dans une situation où « notre terre s’est asséchée et les ventres de nos femmes se sont stérilisés. »
Par Hassna Zouwane