Dans une équation complexe de premier ordre impossible à résoudre, il est difficile de comprendre comment les prix du bétail baissent alors que l’abattage des moutons est suspendu, tandis que le prix de la viande reste élevé chez les bouchers.
En effet, les prix du bétail, notamment des moutons, des chèvres et des bovins, ont chuté. Les marchés hebdomadaires à travers le pays en témoignent, tout comme les petits éleveurs, qui se sont précipités pour se débarrasser de leurs troupeaux devenus un fardeau financier en raison de la hausse du coût de l’alimentation du bétail, et ce malgré les précipitations bénéfiques. Ces éleveurs ont dû vendre leurs bêtes à des prix dérisoires aux bouchers, qui les ont ensuite acheminées vers les abattoirs et les marchés, où la viande est revendue à des prix dépassant 100 dirhams le kilogramme, profitant ainsi de la liberté des prix d’une manière abusive.
À l’inverse, les grands éleveurs, producteurs et importateurs ont exploité la situation à leur avantage en adoptant leur stratégie habituelle du « commerce des occasions ». Ils ont profité des petits éleveurs, stocké du bétail pour l’engraisser et ainsi mieux contrôler le marché national du bétail et de la viande rouge. Leur principal objectif reste clair : maintenir les exonérations fiscales sur l’importation des ovins, bovins et viandes rouges, qu’elles soient fraîches ou congelées, coûte que coûte.
L’idée d’annuler ces exonérations fiscales, évoquée par certains membres de la majorité gouvernementale, n’a provoqué aucune réaction de la part des institutions encadrant les secteurs de la viande et du bétail, ni même du secteur privé de la production. Ainsi, ces exonérations douanières restent un privilège réservé aux « grands » du secteur, sans aucun effet positif sur le marché national ni sur la stabilisation des prix. Il est encore moins question d’un quelconque bénéfice pour le consommateur marocain et son pouvoir d’achat.
Lorsque ces acteurs du marché ont finalement réagi, ce fut pour mener une guerre acharnée contre toute tentative de suppression de ces exonérations fiscales. Ils ont même brandi la menace explicite d’une augmentation des prix de la viande si ces avantages douaniers venaient à être annulés.
Cette menace a émergé à un moment où la pression au sein de la majorité gouvernementale s’intensifiait concernant les mesures visant à réduire les prix des viandes rouges importées. Le débat autour du soutien financier aux moutons de l’Aïd l’an dernier demeure encore présent dans le contexte électoral. De leur côté, les importateurs affirment que l’annulation des exonérations fiscales entraînerait une hausse des prix d’au moins 10 dirhams par kilogramme.
Les critiques acerbes contre la subvention de 500 dirhams accordée à l’importation des moutons ont persisté au sein des partis de la majorité, qui estiment que cet argent a profité aux importateurs, lesquels ont réalisé des bénéfices massifs sans aucun impact positif sur le marché du bétail ni sur le secteur de la viande. En effet, après avoir bénéficié de cette aide, les importateurs ont continué à vendre au prix du marché sans répercuter la subvention sur les consommateurs, un comportement jugé inacceptable.
C’est pourquoi certaines voix ont insisté pour que toute subvention accordée à l’importation de viandes soit conditionnée à une obligation de mise sur le marché et non de stockage, bien que le plafonnement des prix risque de nuire aux petits éleveurs.
Les demandes d’annulation des exonérations fiscales et douanières, qui devaient initialement faire baisser les prix de la viande mais qui se sont avérées inefficaces, sont défendues par le Parti de l’Authenticité et de la Modernité ainsi que par le Parti de l’Istiqlal, au nom des intérêts des citoyens et du pouvoir d’achat des consommateurs marocains.
Cependant, ces revendications soulèvent plusieurs questions : où étaient ces partis il y a un an face à la même situation ? Pourquoi sont-ils restés silencieux alors que les prix de la viande rouge ont commencé à grimper l’été dernier ? Pourquoi n’ont-ils pas dénoncé l’échec du secteur de la production de viande à garantir l’autosuffisance ? Pourquoi n’ont-ils pas non plus questionné l’échec du Plan Maroc Vert, qui, après 17 ans d’application, n’a toujours pas permis la constitution d’un cheptel national suffisant pour épargner au pays la nécessité d’importer des ovins et des bovins, et donc de la viande rouge ?