En abordant le rapport de Reporters sans frontières, précisons d’emblée que nous ne prenons pas tout ce qui vient de l’étranger pour argent comptant, car les affaires de la presse marocaine concernent d’abord les Marocains. Toutefois, cette organisation internationale publie chaque année des rapports qui influencent les indices mondiaux de liberté, et ces rapports ont un impact particulier sur l’image de notre pays à l’étranger. Or, cette image a nécessité d’énormes efforts, et la volonté royale a toujours été d’en façonner une qui soit digne du Maroc. Mais certains comportements nuisent à cette image, donnant l’impression d’un pays qui avance à deux vitesses.
L’organisation a reconnu dans son rapport que le Maroc a progressé en matière de droits et de libertés de la presse. Cependant, la problématique actuelle ne réside plus dans « la sécurité et le pouvoir », comme cela était souligné les années précédentes, mais plutôt dans des questions liées à l’usage des ressources financières par le gouvernement pour porter atteinte aux libertés de la presse.
Le rapport indique clairement que la liberté de la presse au Maroc a reculé à cause d’une alliance entre l’argent et le pouvoir, précisant que « le gouvernement marocain, dirigé par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch, exerce une mainmise sur les médias ». Il est donc manifeste que l’exécutif serre fortement l’étau autour de la presse, au point que même les observateurs étrangers ne sont plus dupes des manipulations gouvernementales vis-à-vis des médias.
Ce contrôle a vidé de son sens le pluralisme médiatique prévu par la Constitution, le réduisant à une simple façade qui ne reflète en rien la diversité réelle des opinions, selon les termes du rapport.
L’un des constats les plus graves réside dans le fait qu’Akhannouch exploite son influence financière pour influer sur les lignes éditoriales des médias. L’argent s’est ainsi transformé en un « cinquième pouvoir », selon l’expression d’Inès Ramouni, sapant ainsi le rôle de la presse comme quatrième pouvoir. Or, sans ce dernier, il est impossible de parler de démocratie véritable, celle-ci nécessitant impérativement cette instance de contrôle de l’action gouvernementale, des ministres et des responsables.
Le coup de grâce, évoqué par le rapport et qui nuit à l’image du Maroc, concerne la question de l’autorégulation du secteur de la presse. Le rapport affirme que « le remplacement du Conseil national de la presse par une commission provisoire constitue un recul pour l’autorégulation du secteur ». C’est une réalité évidente : après un long délai, le provisoire est devenu permanent, sans aucun signe d’organisation d’élections libres et démocratiques pour restructurer le Conseil national de la presse. Les lois encadrant le secteur, qui justifiaient initialement cette mesure temporaire, n’ont toujours pas été adoptées.
Enfin, le rapport ravive une plaie vive : en liant le quatrième pouvoir au cinquième, il souligne que « la presse indépendante souffre d’une crise financière aiguë et d’un manque de publicité ». Cette crise est artificiellement provoquée par certains acteurs gouvernementaux dans le seul but de maintenir leur emprise sur les médias. Ce gouvernement, qui ne semble pas vouloir quitter le train à la fin de son mandat et commence déjà à promouvoir l’idée d’un « gouvernement du Mondial », ne tolère aucune voix discordante. Il s’efforce donc de créer une presse de « louanges et de diversion », un type de presse dangereux pour tout pays qui ne découvre sa véritable image qu’une fois qu’il est trop tard.