Les Marocains ont attendu longtemps que la pluie tombe. Ils ont invoqué le Créateur en disant : « Ya Rabbi tsqina » (Seigneur, arrose-nous). Sur les réseaux sociaux, ils ont partagé des prières pour quelques gouttes capables de redonner vie à une terre desséchée et à des cœurs devenus durs.
Qu’est-ce qui s’est passé ? Quand la pluie est enfin tombée, les cœurs ont exulté de joie, louant et remerciant Dieu. Mais cette même pluie a révélé les failles : des maisons se sont effondrées, des rues ont été submergées, et une fillette a été emportée sous les yeux de son père après être tombée dans une bouche d’égout ouverte.
Comme à chaque fois, la pluie n’a rien caché : elle a exposé la fragilité des infrastructures, la négligence et l’incompétence. Et ici, on parle des grandes villes, ces vitrines où des milliards ont été investis dans les infrastructures. Pourtant, dès que quelques gouttes tombent, leurs principales artères se transforment en lacs en un clin d’œil. Quant aux petites villes, aux villages et aux campagnes, « Dieu seul sait ce qu’ils endurent. »
Qui blâmer ? Et que faire ?
Ce n’est pas la première fois que les conseils municipaux et les entreprises en charge de la gestion des eaux usées sont pointés du doigt. Pourtant, la situation demeure inchangée : les scènes de rues inondées, de quartiers submergés et de maisons ou commerces endommagés par les infiltrations d’eau se répètent inlassablement.
Qu’ont fait nos élus locaux ? Ils rejettent systématiquement la faute sur la pluie, évoquant des précipitations « exceptionnelles » qui les prennent toujours au dépourvu ! À les entendre, la pluie est responsable de tout : des orages violents, des inondations, des torrents… et même de la mort tragique de la fillette à Berkane.
À leurs yeux, c’est la pluie qui est coupable, jamais leur propre incompétence ou leur gestion défaillante ! Peut-être que nos responsables en sont venus à détester la pluie. Car elle est devenue leur pire ennemi, un adversaire qu’ils ne peuvent ni acheter ni intimider.
Comment en serait-il autrement ?
La pluie ne fait aucune distinction entre un ministre, un responsable, un riche ou un pauvre. Voilà pourquoi ils la redoutent : chaque fois qu’elle tombe, elle démasque leur laxisme et expose ces marchés publics douteux, maquillés en projets de développement.
Si la pluie était sous le contrôle de nos responsables, ils ne laisseraient jamais une seule goutte tomber sur ce pays. Car ils connaissent mieux que quiconque l’étendue de la corruption qu’elle révèle.
Soyons honnêtes : les Marocains ont besoin de plus de pluie, non seulement parce que la sécheresse persiste depuis des années, mais aussi pour qu’elle continue de mettre à nu l’ampleur du pillage et des détournements.
Des ponts coûtant des millions de dirhams s’effondrent au bout d’un ou deux ans sous quelques averses, tandis que ceux construits à l’époque coloniale française tiennent toujours debout. Voilà, en vérité, l’image d’un système rongé par la corruption que seule la pluie ale courage de dévoiler.