Depuis des temps anciens, les Marocains ont toujours fait preuve de solidarité, particulièrement durant le mois sacré de Ramadan, où des aides sont distribuées aux familles démunies en raison de l’augmentation des dépenses pendant cette période.
Cependant, nombre de ces actions caritatives prennent parfois une dimension politique, ce qui leur fait perdre leur essence.
Bien que la loi encadre ce type d’initiatives, et qu’il ne soit pas possible d’empêcher quiconque de faire le bien, le débat se concentre sur les dérives et l’utilisation des ressources publiques à des fins partisanes.
L’un des derniers incidents enregistrés ces derniers jours concerne la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’images montrant un camion appartenant à la commune de Tioughza, dans la province de Sidi Ifni, en train de décharger des aides humanitaires devant une maison attribuée à un ministre du gouvernement d’Aziz Akhannouch.
Ces aides portaient également le logo d’une association connue pour sa proximité avec un parti politique de la majorité gouvernementale.
Si les associations ont légalement le droit d’exercer des activités caritatives conformément aux règles établies, seul l’État, représenté par les autorités compétentes, est habilité à vérifier si ces activités respectent le cadre légal.
D’ailleurs, il n’est pas rare de voir des distributions d’aides se dérouler en présence de personnalités politiques et gouvernementales, ce qui est autorisé tant que ces actions sont menées sous leur statut social et civil, et non sous leur identité politique ou gouvernementale.
Le problème actuel réside dans le fait que ces aides, arborant le logo d’une association étroitement liée à un parti politique, ont été transportées jusqu’au domicile d’un ministre, lui-même candidat aux élections sous l’étiquette de ce même parti, et ce, via un camion communal.
Ce mélange des genres est problématique : il s’agit d’une confusion entre l’action sociale, l’action gouvernementale et la gestion communale, chacune étant soumise à des règles précises définies par la loi.
Dès lors, puisque l’enjeu concerne le respect du cadre juridique encadrant les actions caritatives menées par la société civile, il serait légitime que le ministère de l’Intérieur, en sa qualité d’autorité de tutelle, ouvre une enquête pour déterminer le degré d’implication de la commune dans le soutien à une action sociale servant indirectement les intérêts d’un parti politique.
Une commune est élue pour gérer les affaires publiques locales, et non pour favoriser un parti, même si celui-ci détient la totalité des sièges du conseil communal.
C’est d’ailleurs ce que réclament plusieurs partis politiques concurrents du parti impliqué, et ils en ont le droit. Il est du devoir du ministère de l’Intérieur de mener l’enquête et de rendre ses conclusions publiques afin de clarifier cette situation préoccupante.
Car l’utilisation des ressources et des biens publics – qu’ils appartiennent aux communes, aux régions ou aux institutions gouvernementales – à des fins caritatives dissimulant un objectif politique partisan constitue une menace non seulement pour l’action sociale, mais aussi pour l’équité du jeu politique.
Le législateur a d’ailleurs été clair dans la distinction entre les diverses formes de bénévolat, précisément pour éviter l’exploitation des biens publics à des fins partisanes et électoralistes.