Les juristes disent souvent que « l’aveu est la reine des preuves ». Aziz Akhannouch, président du gouvernement et propriétaire de nombreuses entreprises, a admis publiquement, devant le Parlement, que l’une de ses entreprises avait remporté un marché public, ce qui constitue un conflit d’intérêts flagrant. Il a tenté de justifier cet acte, mais d’une manière maladroite, comparable à l’expression populaire : « Celui qui voulait embrasser son fils l’a blessé » ou « Elle voulait embellir ses yeux, elle les a aveuglés ». En réalité, il s’agit d’un marché où tout repose sur des subventions, et cet aveu est d’autant plus surprenant qu’il a été fait spontanément, sans interrogatoire, devant une institution constitutionnelle.
Ce soutien illimité se manifeste par la gratuité du terrain sur lequel le projet a été réalisé, des prêts avantageux, en plus d’une garantie d’achat sur trente ans – une durée qui englobe toute une génération. À cela s’ajoutent d’importantes exonérations fiscales. Malgré cela, Akhannouch n’a pas hésité à défendre un projet qui épuise les fonds publics et qui exclut les autres entreprises d’une concurrence équitable.
Cependant, l’enjeu principal aujourd’hui n’est pas cet état de fait désormais connu, mais plutôt l’intervention d’un parti d’opposition, à savoir le Parti de la Justice et du Développement (PJD), qui défie Akhannouch en dénonçant cette affaire avec des preuves documentées. Le parti n’a pas hésité à accuser le président du gouvernement d’avoir exploité sa position pour ce marché, qualifié de marché public financé par le Trésor, c’est-à-dire par les contribuables, et qui manque de compétition loyale tout en garantissant des profits sur le long terme.
Certains pourraient dire que les entreprises sont en concurrence, mais lorsque l’entreprise appartient au président du gouvernement, la concurrence ne peut être équitable. Les critères de performance ou de réduction des coûts, qui allègent les finances publiques, sont alors ignorés. La loi interdit de cumuler une fonction de responsabilité avec des avantages tirés de fonds publics.
Bien qu’Akhannouch soit un homme d’affaires, et qu’il ait donc le droit de concourir pour des projets, le fait de soumissionner pour un marché public crée un conflit d’intérêts. La loi interdit aux élus de bénéficier d’avantages dans les collectivités territoriales, les régions et les provinces auxquelles ils appartiennent, pour prévenir de tels conflits.
Les marchés réalisés pour le compte des institutions publiques sont soumis au contrôle du gouvernement. Comment, alors, un gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch pourrait-il contrôler une entreprise appartenant à Aziz Akhannouch lui-même ?
Nous sommes aujourd’hui face à une affaire d’opinion publique qui dépasse le cadre des simples plaintes. Un parti entier a saisi cette opportunité en tenant une réunion exceptionnelle de son secrétariat général, en publiant un communiqué dédié et en organisant une conférence de presse pour présenter ses preuves et arguments.
Il ne faut pas que cette affaire se réduise à une simple polémique publique et qu’elle passe sous silence, comme cela a été le cas pour d’autres scandales précédents. On se souvient que Abdellatif Ouahbi, lorsqu’il était secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (PAM), avait accusé Aziz Akhannouch d’avoir détourné 17 milliards de dirhams des fonds publics, avant de devenir ministre dans son gouvernement. Cette fois-ci, il est nécessaire d’aller au bout de ces accusations, et si elles s’avèrent infondées, qu’elles discréditent leurs auteurs.