Le bras de fer se poursuit entre les chauffeurs de taxis traditionnels et les conducteurs de plateformes numériques. Dans ce climat de tension qui s’installe durablement dans les grandes villes marocaines, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a tenu à rappeler la ligne dure adoptée par son département.
Dans une réponse officielle adressée à la Chambre des représentants, le ministre a réitéré l’interdiction formelle de toute activité de transport rémunéré effectuée via des applications mobiles sans autorisation légale. Il a également souligné que les forces de l’ordre restaient pleinement mobilisées pour intervenir en cas d’incident, afin de préserver la sécurité des citoyens et la fluidité de la circulation.
Mais derrière cette réponse musclée se cache une réalité bien plus complexe.
Une crise révélatrice d’un modèle à bout de souffle
Les conflits entre taxis et conducteurs d’applications ne sont plus de simples incidents isolés. Ils sont devenus le symptôme visible d’un déséquilibre profond : un encadrement juridique dépassé qui ne répond plus aux attentes d’une population en quête de solutions de transport modernes, flexibles et fiables.
Le cadre réglementaire actuel, appuyé notamment par le Dahir 1.63.260 et la loi 52.05, interdit formellement l’usage de véhicules non agréés à des fins de transport public rémunéré. Des sanctions sévères sont prévues, allant de la saisie du véhicule à des poursuites judiciaires. Une approche résolument répressive, qui ne semble pourtant pas freiner la montée en puissance des applications de mobilité, bien au contraire.
L’illusion de la répression
Sur le terrain, les autorités poursuivent leur politique de contrôle et de confiscation. Chaque semaine, des véhicules sont immobilisés, des conducteurs verbalisés. Mais cette stratégie montre ses limites. Elle ne parvient ni à enrayer l’essor des services numériques, ni à améliorer les prestations souvent critiquées des taxis traditionnels : absence de couverture dans certains quartiers, qualité de service inégale, refus de course…
Cette situation met en lumière une contradiction criante : l’offre légale peine à satisfaire la demande, pendant que les solutions technologiques sont maintenues en marge, dans un flou juridique entretenu.
Entre interdiction et avenir du transport : quel choix pour le Maroc ?
Le statu quo actuel est de moins en moins tenable. Si les autorités continuent à brandir le bâton de la légalité, elles devront tôt ou tard envisager une réforme profonde du secteur. Des pays, partout dans le monde, ont réussi à intégrer ces nouveaux acteurs en leur imposant des règles claires, assurant ainsi un équilibre entre innovation, équité et régulation.
Au Maroc, la question reste entière : faut-il continuer à interdire, ou est-il temps de repenser le modèle du transport urbain ? Une chose est sûre : maintenir le système actuel, c’est prendre le risque d’un clivage grandissant entre les textes et les usages, entre l’offre officielle et la demande réelle des citoyens.