Par Kbir Ben Lkriem –
À l’approche des prochaines échéances législatives, nous verrons des représentants de partis politiques descendre dans les quartiers populaires à la recherche d’appartements à louer pour y installer des « boutiques politiques » temporaires. Certains partis ne louent des locaux que pour un ou deux mois, y suspendent leurs affiches, y installent quelques tables et chaises à peine suffisantes pour accueillir les habitants du quartier, attirés soit par curiosité, soit par les rabatteurs électoraux. On y vient écouter des discours mielleux, des promesses, des rêves roses, des vœux pieux et des engagements à satisfaire toutes les revendications individuelles, lesquelles prolifèrent particulièrement à cette période.
Les responsables de ces locaux dressent alors un portrait idyllique du candidat à venir : un homme vertueux, nanti, désintéressé, mû par une noble jalousie pour sa région et ses habitants, indigné face à la marginalisation, à la pauvreté, au chômage, à la cherté de la vie, au manque d’infrastructures sociales, d’espaces verts, de logements décents, de transports publics et de routes en bon état.
Ces « boutiques politiques » s’ouvrent ainsi dans les quartiers et les villages, un phénomène devenu banal. Mais dès l’annonce des résultats électoraux, les chaises et les tables sont chargées dans des camions, en pleine nuit, pour être transportées vers une destination inconnue des habitants. Cela, malgré les assurances données auparavant par certains responsables que le parti resterait aux côtés des citoyens, que la section locale demeurerait ouverte toute l’année pour accueillir les doléances et que les dirigeants du parti les défendraient auprès des institutions concernées.
Ces partis se dérobent alors à leurs responsabilités constitutionnelles, éthiques, sociales et politiques dès la proclamation des résultats. Les élus disparaissent, notamment les députés, dont certains changent même de numéro de téléphone. À tel point qu’un ancien parlementaire de la périphérie de Casablanca utilisait un numéro actif en permanence pendant cinq ans… sans jamais décrocher, même si l’on appelait tous les jours de l’année. Il se contentait de recharger sa carte SIM pour éviter sa désactivation, en laissant le téléphone en mode silencieux chez lui. Et à l’approche des élections, il déclarait que son numéro n’avait jamais changé depuis sa première candidature.
Je me demande pourquoi la majorité des partis politiques ne respectent pas l’article 7 de la Constitution de 2011, qui stipule dans son premier paragraphe que « les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et des citoyens, à la consolidation de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques, ainsi qu’à l’expression de la volonté des électeurs et à la participation à l’exercice du pouvoir, dans le cadre du pluralisme et de l’alternance démocratique, par des moyens démocratiques et dans le respect des institutions constitutionnelles ».
Il ne s’agit évidemment pas de généraliser ce comportement à tous les partis. Certains partis politiques disposent en effet de sections régionales actives tout au long de l’année, dirigées par des responsables présents et en contact permanent avec les citoyens. Ces derniers rédigent régulièrement des lettres et des requêtes pour porter les préoccupations locales aux autorités compétentes. Leurs sièges restent vivants et opérationnels tout au long de l’année.
Le désengagement des partis de leur rôle d’encadrement a donné lieu à de nombreux phénomènes négatifs et a profondément érodé la confiance dans les partis politiques. Ce recul a eu des répercussions négatives sur toutes les initiatives partisanes, au point que bon nombre d’activités organisées par les partis n’attirent plus l’attention de larges franges de la société, y compris les jeunes.