Il y a quelques jours, Zakia Driouch, secrétaire d’État chargée de la pêche maritime, a visité le marché de gros aux poissons dans la région de Lahraouiyine à Casablanca. Vraiment ?
Effectivement, Zakia Driouch a quitté le confort de son bureau et son agréable parfum pour se rendre sur le terrain, là où règnent l’odeur du poisson et les discussions animées des vendeurs. Elle a échangé avec « les petits et les grands » du marché, qui ont parlé sans détour et exprimé leur ras-le-bol face aux pratiques des « intermédiaires » (les chnaqa).
C’est précisément cette réalité que le jeune Marrakchi a dénoncée sur TikTok, ce qui a été le déclencheur de la visite de la secrétaire d’État.
Un fait marquant lors de cette visite est la déclaration surprenante de Zakia Driouch à l’un des professionnels : « Moi, TikTok, je ne connais pas. »
Vraiment ? Elle ne connaît pas TikTok ?
La secrétaire d’État a également précisé que l’objectif de sa visite était d’écouter les préoccupations des professionnels du secteur.
Mais une question s’impose : cette visite était-elle réellement programmée à l’avance pour dialoguer avec les vendeurs et les acheteurs ? Peu probable.
Sans le brouhaha provoqué sur TikTok, la secrétaire d’État aurait-elle pris la peine de se rendre au plus grand marché aux poissons de la métropole pour savoir ce qui s’y passe ?
Certes, Mme Driouch a le droit de ne pas utiliser TikTok – c’est une liberté personnelle. Mais ce qu’elle n’a pas dit, c’est que c’est bien TikTok qui l’a poussée à descendre sur le terrain.
Ce réseau social qu’elle prétend ne pas connaître a transformé la flambée des prix du poisson en affaire d’opinion publique, mettant à nu les pratiques des lobbies qui pèsent sur les consommateurs marocains.
À travers ses propos sur TikTok, on perçoit chez Mme Driouch une forme de dédain, peut-être parce que cette plateforme a révélé ce que certains auraient préféré garder caché.
Ce qui est sûr, c’est que ce réseau social dérange – et pas seulement les citoyens. Il bouscule aussi les responsables et les ministres, dont l’indifférence s’étend même aux discussions en ligne portant sur les préoccupations quotidiennes des Marocains.
Certes, la plupart des ministres et responsables possèdent des pages Facebook, mais elles servent principalement à publier leurs activités officielles, sans réelle interaction avec les citoyens.
Ce que nos responsables semblent ignorer, c’est que les réseaux sociaux sont devenus un thermomètre mesurant la température sociale, ses préoccupations et ses tensions. Ignorer ces signaux pourrait leur coûter cher.
Rappelons que près de 90 % des Marocains utilisent les réseaux sociaux, avec 31 millions d’utilisateurs de Facebook et 28 millions sur YouTube, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental.
Il est donc essentiel pour nos responsables de ne pas sous-estimer ces plateformes et les citoyens qui y expriment librement leurs frustrations. Ces internautes ne sont pas des êtres fictifs, mais bien des Marocains dont les voix méritent d’être entendues et prises en compte – où qu’ils s’expriment.