Les pluies tant attendues ont apporté une bonne nouvelle aux Marocains, en particulier parce qu’elles sont arrivées à un moment agricole opportun, à la fin de la période appelée localement « lilay Hiyani ». Bien qu’elles aient tardé, ces précipitations restent cruciales. D’une part, elles permettent de reconstituer les nappes phréatiques épuisées par les grands agriculteurs qui nourrissent le monde tout en affamant les Marocains. D’autre part, elles sauveront les cultures tardives, connues localement sous le nom de « mezouzia », notamment les légumineuses pluviales semées à cette période. Ces pluies offrent également un répit en fournissant de la nourriture pour le bétail.
Cependant, si ces « pluies de bien » ont réjoui les Marocains d’un côté, elles les ont indignés de l’autre, car elles sont accompagnées de « structures du mal ».
Aucune ville n’a échappé à des incidents douloureux. Le plus tragique d’entre eux reste la chute mortelle d’une fillette dans une bouche d’égout à Berkane. Les autorités compétentes ont heureusement ordonné l’ouverture d’une enquête sur cette affaire, en espérant que celle-ci soit différente des investigations habituelles, souvent reléguées aux oubliettes sans résultat ni responsabilité. Il est essentiel que cette enquête aille jusqu’à son terme pour déterminer les responsabilités.
Ici, il convient de s’arrêter sur la notion de responsabilité. Celle-ci commence par la personne qui a omis de remettre le couvercle de la bouche d’égout et s’étend jusqu’au plus haut responsable de la ville, qu’il s’agisse de l’administration ou des élus locaux. Il arrive parfois que ces incidents soient causés par des voleurs sans scrupules, dont l’arrestation incombe à la police. Certes, les citoyens peuvent signaler de telles situations pour limiter les dégâts, mais où sont les autres responsabilités ? Où est celle de l’auxiliaire d’autorité (« moqaddem ») qui est toujours prompt à intervenir lorsqu’un citoyen veut réparer une simple fenêtre ? Pourquoi ne signale-t-il pas les dangers ? La responsabilité incombe ici aux conseils communaux et aux autorités locales, tandis que la police se charge d’arrêter les malfaiteurs.
Mais parlons également des inondations récurrentes qui frappent la majorité des villes marocaines après des précipitations pourtant dans les normes. Ces dysfonctionnements révèlent des lacunes dans la gestion urbaine. Les conseils communaux, élus pour gérer les affaires locales conformément aux règles démocratiques, disposent des pleins pouvoirs pour mener à bien leur mission. Pourtant, ils semblent avoir démissionné de leurs responsabilités en l’absence de toute forme de reddition des comptes. La Constitution, la plus haute instance juridique du pays, stipule clairement le principe de corrélation entre la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes. Cependant, l’absence quasi totale de sanctions a favorisé l’impunité et encouragé la négligence, malgré quelques poursuites engagées contre certains présidents de communes.
Soyons clairs : la dégradation des infrastructures urbaines n’est pas toujours le résultat de la corruption ou de la fraude. Elle peut également être due à la négligence. Dans les deux cas, il est impératif d’exiger des comptes à tous les niveaux, des plus petits aux plus hauts responsables. Les gouverneurs et les walis, en tant que représentants de l’État dans les régions et les villes, sont tenus de superviser les conseils élus et d’intervenir en cas de dérive, conformément aux prérogatives que leur confère la loi.
Si des mesures rigoureuses ne sont pas prises contre la corruption et la négligence, nos villes risquent de devenir, à terme, des espaces invivables, où les égouts bouchés abritent rongeurs et insectes, tout en dégageant des odeurs nauséabondes.