Dans un contexte de prise de conscience collective de la crise structurelle que traverse le secteur de la presse marocaine, les travaux du colloque national organisé par la Fédération marocaine des éditeurs de journaux ont démarré ce samedi matin à Rabat, sous le thème : « La presse marocaine : crise existentielle et pistes de sauvetage ». Un rendez-vous qui vise, selon les organisateurs, à réfléchir ensemble sur l’avenir de la profession et à proposer des solutions réalistes et applicables.
Lors de l’ouverture, Mustapha Emdjarr, directeur de la communication et des relations publiques au sein du ministère de la Communication, a affirmé qu’« il existe une division au sein du corps médiatique, mais cela ne doit pas empêcher un débat sérieux et responsable pour trouver des solutions structurelles au secteur ». Il a souligné la nécessité de dépasser les solutions classiques et d’innover avec des approches adaptées aux profondes mutations numériques. Il a également rappelé que le Maroc considère que les médias ne sont pas un luxe démocratique, mais une nécessité stratégique pour construire l’État et accompagner les chantiers de réforme.
Emdjarr a insisté sur l’importance de développer le système de soutien public aux entreprises de presse, appelant à concevoir un nouveau modèle médiatique répondant aux besoins actuels et capable d’accompagner la transition numérique, sans perdre sa mission professionnelle ni ses rôles constitutionnels de veille, de redevabilité et d’encadrement de l’opinion publique.
Une large participation et trois séances principales
Ce colloque national réunit une élite de professionnels, éditeurs, experts, universitaires, ainsi que des acteurs politiques et des représentants du secteur public et privé. L’événement s’articule autour de trois grandes séances.
Un cadre législatif insuffisant
La première session, intitulée « Enjeux de la législation, de l’éthique et de la régulation », s’est penchée sur le cadre juridique régissant la profession. Plusieurs intervenants ont exprimé la nécessité de réviser en profondeur les lois encadrant la presse et les médias, face aux défis croissants liés à la liberté d’expression, à la régulation professionnelle et à l’éthique. Des interrogations cruciales ont également été soulevées concernant l’efficacité des conseils de régulation, leur indépendance, et leur impact réel sur la protection de la profession et de ses acteurs.
Une entreprise fragile et un soutien limité
La deuxième session, intitulée « L’entreprise de presse : leviers de redressement économique », a analysé la situation actuelle des entreprises de presse marocaines à la lumière des contraintes économiques qui menacent leur survie. Les participants ont abordé la faiblesse du marché publicitaire, la dispersion des ressources, ainsi que l’absence d’une stratégie de soutien public intégrée tenant compte de la performance professionnelle, de l’innovation et de la transformation numérique.
Des appels ont été lancés pour restructurer le soutien gouvernemental à la presse, en le liant à des projets de réforme concrets garantissant la gouvernance, tout en encourageant le développement du contenu, des ressources humaines et des équipements.
Une plateforme pour le débat national
Ce colloque, inscrit dans le programme de plaidoyer de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux, s’est transformé en une plateforme de dialogue ouverte entre les différents acteurs du paysage médiatique. Les responsables de la Fédération estiment que les débats en cours visent à produire des « recommandations réalistes et propositions réformatrices » susceptibles de constituer le socle d’une nouvelle vision nationale pour l’avenir de la presse au Maroc, en lien avec les transformations numériques et les défis économiques et sociaux.
Les participants espèrent que les recommandations issues de ce colloque ne resteront pas lettre morte, mais qu’elles seront mises en œuvre à travers de véritables partenariats entre professionnels et pouvoirs publics, basés sur une vision stratégique claire d’un paysage médiatique marocain libre, indépendant et professionnel.