Lorsque l’opposition réelle est absente, l’opposition virtuelle ou numérique prend sa place. Toutefois, il est essentiel de souligner que l’opposition numérique n’est ni fictive ni inexistante. Au contraire, elle est bien réelle, ancrée dans la société, mais son expression passe par les réseaux sociaux. Normalement, ces revendications devraient être portées par les organisations politiques et les institutions de la société civile. Mais face à leur démission de leurs rôles fondamentaux, ces expressions contestataires trouvent un nouveau refuge dans l’univers numérique.
Il ne faut en aucun cas sous-estimer ces expressions de rejet et de colère sur les réseaux sociaux. Elles trouvent un écho et un ancrage social, et si elles existent, c’est bien parce que des facteurs concrets les alimentent, qu’elles soient sincères ou instrumentalisées par certaines parties poursuivant des agendas cachés.
De temps à autre, des appels à des manifestations éclatent, dénonçant la dure réalité du quotidien, marquée notamment par la flambée des prix. Certaines de ces protestations ont d’ailleurs dégénéré, comme cela s’est produit dans certains marchés. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour organiser des sit-in après les prières de Tarawih durant le Ramadan, avec l’intention de poursuivre ces mouvements par la suite en revendiquant plusieurs droits. Il serait naïf de nier que certaines de ces voix expriment une indignation sincère, tandis que d’autres portent un message juste, mais dans un cadre biaisé.
Dans un pays fondé sur la démocratie et les droits de l’homme, il est impossible d’empêcher quiconque d’exprimer son opinion. Toutefois, il est primordial d’encadrer ces dynamiques afin de mieux comprendre la direction qu’elles prennent.
Pourquoi l’opposition numérique s’est-elle étendue alors que ces revendications ont une base réelle et devraient, en principe, se manifester physiquement ?
Trois raisons principales expliquent cette tendance, accompagnées d’autres facteurs secondaires qui, bien que mineurs, contribuent à amplifier la contestation.
Le premier facteur est lié à la gestion des affaires publiques par le gouvernement, qui semble privilégier les intérêts d’une élite restreinte d’hommes d’affaires, prenant des décisions qui leur profitent tout en portant atteinte aux droits des citoyens ordinaires. Cette approche alimente une opposition numérique de plus en plus forte, en offrant un canal d’expression plus large et plus accessible à de nombreux citoyens.
Le deuxième facteur est l’absence d’encadrement organisationnel pour la jeunesse. L’opposition politique, censée défendre les intérêts des citoyens et agir comme leur porte-voix, est largement en retrait et ne réagit souvent qu’après coup. Cette démission laisse un vide que les contestataires comblent en rejoignant les mouvements initiés sur les réseaux sociaux. De même, les associations de la société civile, autrefois premières structures d’accueil et de formation des jeunes avant leur éveil politique et culturel, sont de plus en plus absentes.
Le troisième facteur concerne l’existence de groupes sans véritable ancrage social, qui utilisent les réseaux sociaux pour créer une dynamique politique artificielle.
Ce qui se passe sur les plateformes numériques est un reflet du réel, mais exprimé dans un espace virtuel incontrôlé, ce qui peut constituer un danger pour la société en l’absence de règles et de cadres régulateurs.