Des observateurs politiques relèvent une montée croissante de la tension sociale, alimentée par les critiques de plus en plus virulentes à l’encontre du gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement. Le groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD) a qualifié le dialogue social promu par le gouvernement de simple rhétorique vide, manquant d’engagement politique réel et de crédibilité auprès des travailleurs marocains, lesquels, selon ses termes, commencent à perdre confiance dans les institutions de l’État en raison des conflits d’intérêts et des privilèges injustifiés caractérisant l’action gouvernementale.
Réagissant aux propos du ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, lors de la séance des questions orales lundi à la Chambre des représentants, la députée Fatima Zahra Bata (PJD) a critiqué l’annonce par le gouvernement d’une augmentation salariale de 1 000 dirhams à l’occasion du 1er mai, la jugeant insuffisante face à l’envolée des prix, à l’inflation et à la hausse du coût de la vie. Elle a également dénoncé l’absence de mesures en faveur des retraités, s’interrogeant ironiquement : « Ne sont-ils pas affectés par la hausse des prix ? Ne font-ils pas leurs courses eux aussi ? »
Elle a souligné que plus de cinq millions de Marocains ne bénéficient d’aucune pension, aggravant ainsi la précarité sociale, pendant que le gouvernement continue de se vanter de réalisations illusoires en matière de dialogue social. Elle s’est également dite étonnée de l’incapacité du gouvernement à tenir la session de septembre de ce dialogue, y voyant un recul clair par rapport aux engagements antérieurs.
Fatima Zahra Bata a par ailleurs interrogé l’exécutif sur le sort des projets de réforme du Code du travail, de la loi sur les syndicats et des régimes de retraite, affirmant que leur report ne répond qu’à des calculs électoraux étroits et témoigne de l’absence d’une véritable volonté politique.
Dans le même registre, le Parti du courant démocratique ouvrier (Annahj Addimocrati Al Oummali) a publié un communiqué virulent, dans lequel il impute au gouvernement Akhannouch la responsabilité de l’effondrement sans précédent du pouvoir d’achat, alertant sur le fait que de larges franges de la classe moyenne sont désormais menacées de basculer dans la pauvreté.
Le parti a dénoncé la privatisation excessive des services publics, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, qu’il qualifie de destruction délibérée ciblant les couches vulnérables et contribuant à creuser les inégalités sociales. Il a également condamné ce qu’il appelle la répression systématique des militants politiques, syndicaux et blogueurs, fustigeant les poursuites engagées contre eux en raison de leurs opinions exprimées sur les réseaux sociaux, sous couvert de lois restrictives des libertés numériques.
Le parti a appelé à la construction d’un large front démocratique et des droits humains pour faire face à « l’offensive économique et à la main de fer sécuritaire », ainsi qu’au lancement de campagnes de solidarité internationale avec les prisonniers d’opinion et les mouvements contestataires, notamment les détenus du Hirak du Rif et les militants sahraouis.
Selon de nombreux analystes, le gouvernement Akhannouch subit une pression croissante liée à la colère populaire grandissante face à la dégradation des conditions économiques et sociales, dans un contexte d’inefficacité des mesures gouvernementales et d’absence de politiques publiques capables d’alléger les souffrances des citoyens.
Dans ce climat politique et social tendu, le gouvernement semble entrer dans une phase critique de son mandat, où les revendications sociales croisent une crise de confiance institutionnelle. Entre les promesses d’amélioration des salaires et du niveau de vie, et la réalité de la cherté croissante, l’écart ne cesse de se creuser entre le discours et l’action.
Les augmentations salariales annoncées, bien que saluées prudemment par certaines parties, ne suffisent pas à rassurer les nombreuses couches de la population confrontées à une flambée continue des prix des produits de base et des services, en l’absence de véritables filets sociaux, notamment pour les retraités et les travailleurs informels.
Face à cela, l’opposition – qu’elle soit parlementaire ou extra-institutionnelle – gagne en audace dans ses critiques, exploitant la fragilité sociale et les signes croissants de mécontentement populaire, tandis que le gouvernement se contente souvent de réponses techniques dénuées de dimension politique ou communicationnelle susceptible de rétablir le lien avec les citoyens.
Mais peut-être que le plus grand danger pour le gouvernement ne réside pas uniquement dans sa gestion défaillante des dossiers sociaux, mais bien dans la perte de confiance croissante d’une partie importante de la population à l’égard de ses promesses, rendant toute réforme, aussi pertinente soit-elle, vulnérable à l’échec dès sa genèse.
Dans ce contexte, une question essentielle s’impose : le gouvernement saura-t-il transformer ces critiques en une opportunité de redressement, ou poursuivra-t-il sa trajectoire déconnectée des attentes populaires, au risque de déclencher des secousses sociales aux conséquences imprévisibles ?
