Le gouvernement n’a aucune intention de lutter contre la corruption. Les Marocains parlent parfois de « nia » pour accepter une réalité et parfois pour exprimer l’intégrité. Dire que quelqu’un est « nia », c’est dire qu’il est sincère et honnête. Or, le gouvernement d’Aziz Akhannouch, qui achève bientôt sa quatrième année, a prouvé sans aucun doute qu’il n’est pas seulement un gouvernement où le pouvoir et l’argent s’entrelacent, mais aussi un gouvernement qui combat… la lutte contre la corruption elle-même !
Le dernier signal d’alarme est venu avec le retrait de Transparency Maroc de la Commission nationale de lutte contre la corruption, présidée par le chef du gouvernement et regroupant plusieurs ministères et institutions publiques. Ce retrait n’est pas un simple coup de communication, mais repose sur des motifs profonds liés au fonctionnement même de cette commission.
Il est incompréhensible qu’une commission nationale, créée sous le mandat de l’ancien chef du gouvernement Saad Dine El Otmani, ne se soit réunie que deux fois seulement, alors qu’elle est censée se réunir deux fois par an. Cette paralysie reflète clairement la vision du Premier ministre actuel sur la question de la corruption. Malgré les nombreuses sollicitations et correspondances demandant l’activation de cette commission, il reste sourd à ces appels.
Dans le même esprit, pour montrer son opposition claire à la lutte contre la corruption, le chef du gouvernement a supprimé la cellule anti-corruption au sein de la primature. Une décision qui confirme le manque de volonté réelle de combattre ce fléau. Pourtant, cette cellule jouait un rôle important en matière de surveillance et permettait à l’État de disposer de rapports indépendants, en plus de ceux des autres institutions.
Pour évaluer réellement les intentions du gouvernement, il faut se pencher sur sa réaction au rapport annuel de l’Instance nationale de la probité et de la lutte contre la corruption, qui a alerté sur l’ampleur préoccupante de la corruption au Maroc. La réaction du chef du gouvernement et de certains de ses ministres a été virulente, allant jusqu’à discréditer l’institution elle-même, dans le but évident de la marginaliser et de l’affaiblir.
La situation est donc anormale : la Commission nationale de lutte contre la corruption aurait dû être active et opérationnelle, mais elle est gelée. C’est cette inaction qui a conduit Transparency Maroc à s’en retirer, refusant d’être complice d’une mascarade.
L’un des récents affrontements entre le chef du gouvernement et l’opposition au Parlement illustre parfaitement cette confusion des intérêts. Lors d’une séance mensuelle de questions sur les politiques publiques, Akhannouch a admis que son entreprise avait remporté un gigantesque marché de dessalement d’eau de mer, dans des conditions défavorables pour l’État. L’accord prévoit en effet une vente anticipée pour une durée de trente ans, un avantage flagrant pour l’entreprise du chef du gouvernement. Sans aucun embarras, il a affirmé que tout s’était fait dans le respect de la loi. Mais quelle loi permet à un responsable gouvernemental de participer à un appel d’offres et d’avoir le pouvoir de l’attribuer en même temps ?
Pour toutes ces raisons, il est clair que le gouvernement ne fera pas le moindre effort pour avancer ne serait-ce que d’un pas dans la lutte contre la corruption.