Par Mohamed Afri
Le scandale de la « corruption » des diplômes universitaires supérieurs à l’Université Ibn Zohr – où de nombreux bénéficiaires ont pu obtenir des titres contre de l’argent – a jeté son ombre sur la session parlementaire consacrée à l’amendement du Code pénal. Une session durant laquelle le ministre de la Justice s’est érigé – métier oblige – en avocat du Code pénal, déterminé à ce qu’aucune modification n’y soit apportée, sauf celles jugées appropriées par lui-même et le gouvernement Akhannouch. Un gouvernement qui, dès son arrivée au pouvoir en 2021, s’est empressé de retirer ce projet de loi, qui comportait notamment une section cruciale sur l’enrichissement illicite, du Secrétariat général du gouvernement.
La défense du texte fut vigoureuse, faite de feu et de fer, en particulier dans sa volonté d’écarter les associations de protection des deniers publics de ce qu’elles considèrent comme leur domaine d’action : la lutte contre la corruption. Une défense qui s’est avérée, d’une manière ou d’une autre, être un plaidoyer en faveur des manipulateurs de fonds publics, qu’ils soient élus locaux, parlementaires, présidents de régions ou de municipalités…
Et sous couvert de « ne pas généraliser » ou de « ne pas mettre tous les œufs pourris dans le même panier », on avance que la protection des deniers publics ne concerne ni anges innocents ni démons corrupteurs, mais seulement quelques dérapages isolés. Or, la réalité amère – confirmée par la hausse des poursuites judiciaires, des enquêtes policières et des arrestations – prouve que la corruption dans la gestion des finances publiques est devenue la règle, non l’exception, particulièrement sous le gouvernement Akhannouch. Les démons du détournement des deniers publics ont clairement pris le dessus sur les anges de la probité.
Parmi les manœuvres de « diabolisation » du débat sur la corruption, on retrouve aussi l’habituelle tentative de rejeter la faute sur les partis politiques. Pourtant, les Marocains, petits et grands, savent que la majorité de ces partis – y compris celui du ministre-avocat – ont dévié de leur mission d’encadrement citoyen pour devenir des écoles de formation à la quête de privilèges et à la jouissance de toutes les formes de rente.
Autre manifestation de cette diabolisation : jurer haut et fort que l’on ne permettra à personne de pervertir le jeu politique, tout en reliant la corruption des finances publiques à celle des diplômes de master et de doctorat à l’université Ibn Zohr. Et rappeler que le principal accusé dans cette affaire, actuellement sous enquête, entretient un lien avec un ancien ministre de la Justice via une convention ou un partenariat censé lutter contre la corruption…
Quoi qu’il en soit, les Marocains savent très bien que cette affaire de vente de diplômes universitaires contre de l’argent s’est produite sous le gouvernement Akhannouch et sous la responsabilité directe du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. C’est aussi sous leur mandat qu’ont eu lieu l’envolée des prix des carburants, des aliments pour bétail, du gaz butane, et tant d’autres scandales – dont celui des subventions destinées aux éleveurs de moutons et de bovins, ou encore celui d’« Escobar du Sahara », impliquant deux figures du parti du ministre défenseur du Code pénal et des élus corrompus, avec sa rhétorique d’anges et de démons. Y a-t-il plus grande perversion du jeu politique que l’implication de dirigeants politiques dans des affaires de drogue et autres trafics ?
Oui, les Marocains savent que l’affaire des masters et doctorats achetés a certes fait tomber le « corrompu », mais pas encore le corrupteur. Et ce, malgré le fait qu’il s’agisse d’un réseau bien organisé et non d’un simple professeur isolé. Les corrupteurs font partie intégrante d’une chaîne complexe qui gangrène l’enseignement supérieur depuis longtemps – où les notes s’échangent contre du sexe, les diplômes contre de l’argent, et les deux contre bien d’autres choses encore… Dieu seul sait combien de professeurs de ce genre se baladent parmi nous, se pavanant sur les réseaux sociaux et dans les marchés comme si de rien n’était, simplement parce qu’ils ont échappé à la justice. Mais « la cruche ne va pas toujours à l’eau sans se casser ».
L’ouverture d’enquêtes à l’encontre des bénéficiaires des diplômes délivrés par le professeur actuellement poursuivi est devenue une nécessité. Car ces individus ont volé à des citoyennes et citoyens marocains intègres leur droit légitime à l’emploi, bafouant de façon flagrante le principe d’égalité des chances, et empruntant la voie la plus facile : celle de la corruption. Grâce à ces « diplômes », ils ont accédé à des postes de responsabilité sensibles et influents – à commencer par la profession d’avocat. Ce même corps professionnel dont le concours d’accès, organisé sous le gouvernement Akhannouch et sous la responsabilité du ministre de la Justice, a suscité une vive controverse, notamment après la fameuse déclaration de ce ministre à propos de son fils : « Eh oui, mon fils a deux licences, dont une au Canada… son père a les moyens ».
Et pourtant, ce gouvernement continue de vouloir prendre les Marocains pour des ignorants, en prétendant être « le meilleur de l’histoire » et avoir accompli « le meilleur pour les Marocains ». Mais ces derniers savent parfaitement pourquoi ce gouvernement s’est empressé de retirer le projet de loi sur l’enrichissement illicite dès sa prise de fonctions, pourquoi il a cherché à confisquer le droit des associations de protection des deniers publics de dénoncer la corruption financière, et pourquoi son ministre de la Justice, ou plutôt son avocat, parle de démons, d’anges, et de la perversion du jeu politique…