Si le gouvernement comprenait que les institutions constitutionnelles chargées de la gouvernance sont à son service et non contre lui, il aurait pu sortir de la crise de gestion qu’il traverse. Pourtant, à chaque fois qu’un rapport est publié par l’une de ces institutions, il s’empresse de crier au complot politique, alors même que ces instances ne sont pas élues. Il s’agit notamment de Bank Al-Maghrib, du Conseil économique, social et environnemental, de la Cour des comptes et de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption.
Nous écrivons ce texte pour appeler le gouvernement à écouter avec sérieux et honnêteté le rapport publié par cette dernière instance, à la suite de son atelier de travail intitulé : « Risques de corruption dans le secteur de la santé, la chaîne de valeur des produits médicaux et le secteur médical privé ». Ce rapport a été marqué par l’appel de Mohamed Bachir Rachdi, président de l’instance, à relire objectivement la réalité du système de santé dans notre pays, à identifier les pratiques portant atteinte aux principes d’intégrité et à les localiser, tout en soulignant la nécessité d’intervenir selon les standards internationaux pour y remédier.
L’homme n’a rien dit d’outrageant ni d’anormal. Il n’a fait qu’exercer la mission que lui confère la Constitution, en tirant la sonnette d’alarme et en résumant la situation en une phrase claire : le secteur de la santé est malade de la corruption.
Le diagnostic est venu tel un coup de marteau sur une plaie ouverte : les risques de manipulation, de falsification, de favoritisme et de corruption liés aux médicaments et produits médicaux restent élevés malgré les efforts consentis. Quant au secteur privé de la santé, bien qu’il ait connu une évolution notable, il souffre encore de failles réglementaires et du manque de mécanismes de contrôle, ce qui a permis l’émergence de pratiques douteuses comme la surfacturation ou les interventions médicales non justifiées.
Le citoyen marocain réclame le droit d’accéder équitablement à des services de santé de qualité, loin de toute forme de corruption, d’abus ou de discrimination.
C’est là une responsabilité directe du gouvernement, qui se doit de trouver une solution au mal qui ronge le secteur de la santé. Les Marocains ne se sentent plus en confiance lorsqu’il s’agit d’accéder aux services de santé, car la corruption omniprésente y fait obstacle, créant une situation inadmissible, d’autant plus que, selon une étude menée par l’instance, un citoyen sur cinq considère la santé comme une priorité absolue, et qu’un certain nombre d’usagers ont été contraints de verser des pots-de-vin ou s’en sont vu réclamer.
Si le gouvernement acceptait d’écouter, le débat dépasserait le stade du constat pour aboutir à des engagements clairs et des trajectoires concrètes de réforme. En effet, le projet d’élaboration d’une cartographie des risques de corruption dans le secteur de la santé constituerait un socle méthodologique essentiel pour détecter les foyers de corruption, en comprendre les causes, mesurer leur fréquence et leur gravité, et proposer des solutions concrètes pour les combattre.
Nous sommes face à un danger réel, capable de ruiner toutes les orientations dans lesquelles s’engage le Maroc, et de compromettre profondément le plan national de couverture santé universelle, en cours de mise en œuvre. La perte de confiance dans l’accès aux structures de santé constitue le coup le plus dur porté à ce chantier stratégique.