Abderrafie Hamdi
Ce qui se passe aujourd’hui au Proche-Orient n’est pas une guerre conventionnelle, ni une simple escalade militaire. Israël mène une offensive ciblée contre l’Iran, et Téhéran riposte, défend son territoire, sa souveraineté, ses symboles.
Mais derrière cette confrontation apparente se cache un révélateur plus profond ,un système politique qui vacille, non pas seulement sous les coups de l’ennemi extérieur, mais sous le poids de ses propres contradictions internes.
Le récent bombardement au cœur de la capitale iranienne, visant des responsables et des scientifiques lors d’unem réunion sécurisée, n’est qu’un épisode dans une série d’attaques de haute précision. Celles-ci révèlent bien plus qu’un dysfonctionnement sécuritaire : elles exposent une fragilité structurelle, un vide intérieur, une crise de légitimité.
Ces frappes s’ajoutent à une liste déjà longue :
• Qassem Soleimani, figure de l’ombre et de l’influence, éliminé à Bagdad.
• Ismaïl Haniyeh, assassiné dans son sommeil, dans une résidence hautement protégée à Téhéran.
• Hassan Nasrallah, tué dans le sud du Liban, bastion du Hezbollah, bras armé de l’Iran.
Et tant d’autres encore…
Ces actions, aussi précises soient-elles, ne sont pas seulement le reflet d’une supériorité militaire israélienne. Elles suggèrent un malaise plus profond : le régime iranien est-il trahi de l’extérieur… ou de l’intérieur?
L’Iran n’est pas une entité périphérique. Il est l’héritier d’une civilisation raffinée, ancrée dans des siècles de savoir, de poésie, de philosophie. Le peuple iranien a toujours manifesté un sens élevé de la dignité, une aspiration à la liberté, une conscience civique remarquable.
Il a marché, protesté, espéré. Il a réclamé — pacifiquement et à maintes reprises — des réformes, une ouverture, un avenir à la hauteur de son histoire.
Mais depuis plus de quatre décennies, ce peuple éclairé est gouverné par un régime théocratique autoritaire qui confond pouvoir et foi, et traite les citoyens comme des sujets soumis à une vérité unique.
Depuis l’arrivée de l’ayatollah Khomeiny en 1979, la République islamique s’est structurée autour d’une idéologie dogmatique qui criminalise la dissidence, bâillonne les libertés, et réduit toute contestation à une offense idéologique.
Même les tentatives de réforme venant de l’intérieur du système ont été méthodiquement neutralisées :
• Mohammad Khatami, président réformateur, a été réduit au silence.
• Les députés modérés, exclus, invalidés, écartés de toute influence.
• Le Mouvement vert de 2009, réprimé dans le sang, ses figures emprisonnées pendant des années.
• Les manifestations populaires de 2017 à 2022, notamment après la mort de Mahsa Amini, ont été violemment écrasées.
• Les intellectuels, artistes, étudiants, exilés, emprisonnés ou muselés par la censure.
Il ne restait au peuple que trois options : l’obéissance, le silence ou la fuite.
Mais certains — y compris au sommet de l’appareil — ont choisi une quatrième voie : la vengeance.
Non par les armes, mais par l’information. Par les fuites. Par la collaboration.
Malheureusement Dans ce contexte iranien trahir n’est plus nécessairement perçu comme une faute morale, mais comme une révolte silencieuse. Une revanche intime. Un acte de survie face à un pouvoir qui a confisqué tout espoir.
Ce scénario n’est pas inédit :
• À la chute du califat abbasside, certains chefs s’allièrent aux Mongols contre Bagdad.
• En Andalousie, des rois de taïfas livrèrent leurs villes aux Espagnols pour régler des comptes internes.
• Sous l’occupation nazie, des Français pactisèrent avec les Alliés contre le régime de Vichy.
Quand le pouvoir de Téhéran se ferme au changement, il s’ouvre à l’infiltration.
Israël n’exploite pas seulement des failles technologiques : elle infiltre les interstices du ressentiment, les fissures du régime, la lassitude d’un peuple qui ne croit plus.
Les récentes opérations israéliennes ne sont pas qu’un triomphe tactique. Elles sont un symptôme. Un miroir cruel tendu à un régime qui, à force d’étouffer, se fragilise.
Et les coups les plus redoutables ne viennent pas toujours de l’extérieur de Téhéran Mais bien de l’intérieur.
Ce n’est pas le ciel qui trahit l’Iran… c’est le sol qui cède.
Un régime qui refuse de se réformer se fissure.Et quand l’intérieur s’effondre, l’extérieur n’a plus qu’à pousser doucement.