La confiance politique ne peut rivaliser avec la confiance populaire. La première est limitée dans le temps et l’espace, tandis que la seconde est durable et profondément enracinée dans la société. S’appuyer sur les résultats électoraux et le nombre de députés pour asseoir une légitimité ne suffit pas face à une perte de crédibilité auprès du peuple. C’est précisément le défi auquel fait face le chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, après son passage au parlement pour répondre aux questions mensuelles sur la politique générale de son gouvernement. L’aveu qu’une de ses entreprises a obtenu un contrat lucratif de « dessalement de l’eau de mer » met désormais sa confiance populaire en péril.
Des responsables politiques et des acteurs de la société civile se sont unanimement accordés sur le fait que ce contrat illustre un « conflit d’intérêts flagrant ». Bien qu’Akhannouch ait nommé un directeur général à la tête de son groupe après sa nomination comme Premier ministre, il reste néanmoins le propriétaire de l’entreprise. Par conséquent, tout contrat entre une de ses sociétés et l’État soulève des questions d’éthique et de légalité. En effet, en tant que président de la Commission des investissements, il supervise les appels d’offres publics. Ainsi, même avec les meilleures intentions, il est impossible de garantir une transparence totale dans ce contexte.
Lors de son intervention au parlement, Akhannouch a défié l’opinion publique en affirmant que son entreprise avait le droit de remporter un appel d’offres public garantissant des bénéfices sur une période de trente ans. Cette déclaration a provoqué une avalanche de critiques. Des partis politiques, des journalistes et des associations ont exprimé leur indignation face à ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir et un détournement des principes fondamentaux de la gestion publique.
Le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, Nabil Benabdallah, a récemment pris la parole pour condamner fermement cette affaire. Il a qualifié ce contrat de « scandale » et exigé des explications claires et détaillées pour l’opinion publique. Selon lui, même si la procédure respecte les lois en vigueur, elle soulève des interrogations morales et politiques sans précédent, mettant en péril les principes de transparence et de responsabilité inscrits dans la Constitution.
Le Parti de la justice et du développement (PJD) a également réagi en tenant une réunion exceptionnelle pour aborder ce sujet. À l’issue de cette réunion, il a publié un communiqué et organisé une conférence de presse pour dénoncer ce qu’il considère comme une violation flagrante de la Constitution par le chef du gouvernement.
Parallèlement, des associations de défense des deniers publics ont appelé les autorités compétentes à intervenir pour mettre fin à ce qu’elles qualifient de « scandale d’État ».
Cette affaire n’affecte pas seulement la scène nationale. À l’échelle internationale, elle ternit l’image d’un Maroc moderne et progressiste que le roi Mohammed VI s’efforce de promouvoir. Les critiques comparent cette situation à celle de Silvio Berlusconi en Italie, où la confusion entre affaires et politique a conduit à des dérives populistes et à une montée de l’extrême droite.
La question fondamentale reste : que faire ? Faut-il accepter cette situation et se résigner ? Quels seront les impacts sociaux et politiques à long terme sur le Maroc ?
L’avenir de la confiance populaire au Maroc dépendra de la capacité des institutions et de la société civile à défendre les principes de justice, de transparence et d’intégrité.