À Gjirokastër, une région montagneuse du sud de l’Albanie, Fatiko Pasha caresse doucement son ânesse « Lisa » avant de récolter son lait. Elle affirme avec un sourire : « Le lait d’ânesse a le goût de l’amour. » Avec ce précieux liquide, cette agricultrice produit du lactosérum, du yaourt et même le fromage le plus cher au monde.
Depuis l’Antiquité, les bienfaits du lait d’ânesse sont bien connus. La légende raconte que Cléopâtre, reine d’Égypte, prenait des bains dans ce lait pour préserver sa beauté et sa jeunesse. Mais au-delà des propriétés cosmétiques, Fatiko explique que ce lait possède des vertus médicinales : « Il soigne les enfants, renforce leur système immunitaire et aide à traiter les allergies et les problèmes respiratoires. »
Pour produire du lait, une ânesse doit être en période de lactation, et son petit commence à téter dès ses trois mois. Chaque jour, une ânesse ne produit qu’environ un demi-litre de lait, rendant ce produit extrêmement rare. Son prix varie entre 52 et 63 dollars par litre, ce qui lui vaut le surnom d’« or blanc ».
La pandémie de COVID-19 a boosté la demande pour ce lait. Fatiko et son mari ont commencé avec un petit troupeau et, aujourd’hui, ils comptent près de 30 ânesses et 4 ânes. Avec les riches pâturages naturels au pied des montagnes de Gjirokastër, ils envisagent d’agrandir leur élevage dès janvier 2025.
Fatiko et sa famille produisent également du fromage à partir de ce lait. Pour fabriquer un kilo de fromage, il faut au moins 25 litres de lait d’ânesse, une quantité qui coûte environ 1049 dollars. Ce fromage se vend à plus de 1573 dollars le kilo, faisant de lui le fromage le plus cher au monde.
Chiço Pasha, productrice locale, souligne la complexité de sa fabrication : « Le fromage d’ânesse est très demandé mais difficile à produire. » Ce produit d’exception est servi dans les restaurants haut de gamme à Tirana. Elio Truqi, chef du restaurant Oxhaket, confie : « Nos clients préfèrent le fromage frais, préparé dans les 48 heures. Son goût raffiné se marie parfaitement avec un bon vin. »
Outre les produits alimentaires, le lait d’ânesse est également exploité pour ses bienfaits cosmétiques. Fabiola Mesi, une pharmacienne, a fondé sa propre marque Lefa Natural. Elle utilise ce lait pour fabriquer des crèmes et des soins pour la peau qui connaissent un succès croissant. « Le lait d’ânesse est le véritable secret de beauté », affirme-t-elle en finalisant une commande de crèmes hydratantes pour la saison des fêtes.
Aujourd’hui, la région de Gjirokastër compte 15 fermes spécialisées dans l’élevage d’ânes. Grâce à son caractère unique et à sa rareté, le lait d’ânesse et ses dérivés attirent une clientèle de plus en plus exigeante, que ce soit pour leurs vertus médicinales, culinaires ou esthétiques.