L’université marocaine est secouée par un scandale de grande ampleur qui pourrait sérieusement entacher la valeur et la crédibilité des diplômes délivrés. Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, invité au Parlement, a esquivé les questions posées par les représentants de la nation à ce sujet, en prétextant que l’affaire relève du ressort exclusif de la justice et non du gouvernement.
C’est là une vérité utilisée pour éluder une responsabilité. En effet, l’affaire est actuellement entre les mains de la justice, qui mène son enquête. Nul ne peut prévoir les résultats auxquels aboutira l’instruction en cours. Il est donc inacceptable d’anticiper ces résultats ou d’influencer la justice à travers certains jugements diffusés sur les réseaux sociaux ou relayés par certains médias. Ce n’est ni notre intention ni notre rôle, et il ne s’agit pas ici d’intervenir dans le débat judiciaire.
Ce que le chef du gouvernement a invoqué pour justifier son refus de répondre concerne la responsabilité pénale. Or, personne n’a accusé le gouvernement de responsabilité pénale. Celle-ci incombe aux personnes directement impliquées dans cette affaire, si elles existent, aux côtés de l’accusé principal. Un dossier d’une telle ampleur implique nécessairement l’intervention de plusieurs acteurs à divers niveaux. Ce qui est en cause ici, c’est la responsabilité politique du gouvernement face à ce que l’on peut légitimement qualifier de catastrophe nationale.
Il n’est en rien exagéré de parler de catastrophe nationale, car ce qui s’est produit ne nuit pas seulement aux personnes impliquées ou à ceux ayant obtenu des masters falsifiés, mais porte atteinte à la réputation de l’université marocaine et à sa valeur scientifique. Si le gouvernement ne se soucie pas de la qualité scientifique de l’université au niveau national, il devrait au moins s’inquiéter de son image à l’international, désormais gravement détériorée. Une telle situation risque de compromettre les chances des diplômés marocains à l’étranger.
Comment alors définir cette responsabilité politique que le chef du gouvernement tente d’éluder ? Pourquoi le gouvernement devrait-il être tenu responsable des agissements d’un individu impliqué dans l’université Ibn Zohr ? Quel est le lien entre cet établissement et le gouvernement ?
Le gouvernement est chargé de la gestion de l’ensemble des secteurs à travers ses ministères. Le ministère de l’Enseignement supérieur, partie intégrante du gouvernement, supervise les universités et dispose d’une inspection générale. Il a donc la responsabilité de suivre de près ce qui se passe dans les établissements universitaires, et a fortiori dans une université où des enseignants et des étudiants ont déjà organisé, à plusieurs reprises, des sit-in pour dénoncer la falsification de diplômes de master.
Le gouvernement actuel, comme les précédents, porte donc une responsabilité claire dans ce qui se passe à l’université, en matière de déclin des valeurs, de détérioration du savoir et de dégradation de l’image de l’université ainsi que de la valeur des diplômes délivrés. Le ministère de l’Enseignement supérieur propose les présidents d’université et les doyens des facultés. Même si les universités bénéficient d’une certaine autonomie de gestion, le ministère demeure responsable en tant que tutelle administrative et financière des filières proposées, y compris celles de doctorat. Aucune filière ne devient officielle sans l’approbation du ministère, ce qui engage sa responsabilité.
L’évitement du chef du gouvernement est donc dénué de sens. Il aurait été logique qu’il reconnaisse la responsabilité du gouvernement et annonce les mesures qui seront prises — non pas dans le cadre de l’affaire actuellement entre les mains de la justice — mais dans une démarche de lutte contre la corruption au sein de l’université, et de restauration de la valeur scientifique des diplômes délivrés.