À quoi sert un gouvernement politique s’il est incapable de redresser la situation économique ?
Un nouveau rapport de la Banque mondiale sur les entreprises de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) révèle que 83 % des entreprises marocaines opèrent dans le secteur informel.
Le rapport, intitulé de manière problématique « Comment le secteur privé peut-il stimuler la croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ? », pourrait être reformulé ainsi : « Comment le secteur privé peut-il stimuler la croissance au Maroc ? »
Ce n’est pas par excès que nous avons abordé la question du lien entre gouvernement politique et économie, sachant que, selon Karl Marx, « la politique est l’expression concentrée de l’économie ». Il ne s’agit pas d’un simple gouvernement de gestion des affaires courantes, mais d’un gouvernement politique censé porter une véritable vision économique.
Notre gouvernement dispose certes d’une vision économique, mais celle-ci sert principalement « un regroupement de grands intérêts économiques ». C’est pourquoi les ministères créés à plusieurs reprises autour de l’économie sociale et des petites entreprises n’ont pas atteint leurs objectifs. À tel point qu’on avait surnommé un ministre « le ministre des marchés aux puces ». Ce n’est pas le concept de marché aux puces en lui-même qui pose problème, mais bien la prédominance d’une économie de type « marché aux puces ».
Ce modèle économique, qui domine aujourd’hui les entreprises au Maroc, n’est pas productif et ne le sera jamais. Il s’agit d’une économie de subsistance qui suffit à faire vivre des familles — et à enrichir quelques-unes — mais qui ne contribue pas à la productivité globale, c’est-à-dire au Produit Intérieur Brut.
Un pays comme le Maroc, engagé dans de grands projets et sur le point d’accueillir des événements internationaux majeurs, vit en réalité en dehors de l’histoire économique contemporaine.
Ce n’est donc pas une exagération d’affirmer que nous sommes au seuil d’un « AVC économique », car la part des entreprises qui contribuent effectivement à la production, et donc au financement du Trésor public, ne dépasse pas 17 %.
Il ne s’agit pas ici d’appeler à frapper l’économie informelle, mais bien de chercher des solutions structurelles et durables.
Cependant, l’observation du terrain montre que non seulement le gouvernement n’a pas œuvré à trouver des solutions pour l’économie informelle, mais qu’il a, par ses mesures incohérentes servant les grands intérêts économiques, favorisé l’expansion de ce type d’économie.
La lutte contre l’économie informelle nécessite une véritable politique d’intégration, avec une implication massive de l’État en matière de financement, d’accompagnement et de soutien, des mesures qui, malheureusement, se sont transformées en rentes pour les grandes entreprises, ne laissant que des miettes aux petits entrepreneurs.
Trois facteurs principaux expliquent l’échec de l’intégration de l’économie informelle, voire l’amplification de son ampleur :
Premièrement, l’échec de l’expérience de l’auto-entrepreneur, pour plusieurs raisons : manque de communication sur le dispositif, perception par les citoyens qu’il s’agit simplement d’un moyen supplémentaire de taxation, absence d’encouragement gouvernemental pour soutenir les auto-entrepreneurs, et soutien folklorique apporté à certaines familles, ce qui a découragé de nombreux candidats potentiels par crainte de voir leur « indice » fiscal grimper.
Deuxièmement, l’asphyxie des petites et moyennes entreprises par des mesures inéquitables, avec la fermeture annuelle de centaines, voire de milliers de structures.
Troisièmement, la domination des grandes entreprises ou des consortiums d’intérêts sur l’emploi au Maroc, ce qui signifie une absence de répartition équitable des richesses, car la production elle-même est monopolisée. Cela touche tous les secteurs, y compris les médias, où l’inégalité dans la répartition de la publicité est flagrante. Idem pour le secteur du bâtiment, où les « gros poissons » écrasent le marché.
En résumé, une économie où seulement 17 % des entreprises opèrent dans le secteur formel est une économie au bord de l’effondrement.