La transition énergétique n’est pas toujours synonyme de progrès. Elle peut parfois rimer avec recul, voire dégradation. Au Maroc, cette transition vient de subir un revers inquiétant, perdant cinq points d’un coup selon le dernier rapport du Forum économique mondial. Une chute qui soulève de nombreuses interrogations sur la gouvernance du secteur. Une perte isolée pourrait s’expliquer par un contexte difficile, mais quels sont les facteurs concrets qui justifieraient une telle baisse ? S’agit-il de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement ? Où sont les résultats des investissements massifs consentis depuis des années ?
Le constat semble indiquer un dysfonctionnement profond dans la gestion du dossier énergétique. Et ce, malgré l’attention particulière accordée par le Maroc à la transition énergétique et aux sources alternatives, avec des budgets conséquents mobilisés dans cette optique. Pourquoi donc le pays accuse-t-il un tel recul dans le classement 2025 du rapport mondial sur la transition énergétique efficace ?
Le Maroc y est classé 70ᵉ sur 120 pays, avec un score global de 53,7 points, bien en deçà de la moyenne mondiale fixée à 56,9 points. Le rapport situe le Royaume dans une zone confrontée à des défis majeurs : sécurisation de l’approvisionnement énergétique, équité d’accès, et transition vers des sources à faibles émissions.
Ces trois niveaux de fragilité placent le Maroc dans une situation de précarité énergétique, où la transition semble aller dans le mauvais sens. Si les réponses à ces défis demeurent floues, les solutions resteront provisoires, partielles, voire inexistantes. D’autant que le gouvernement actuel semble peu concerné par ces enjeux, préférant souvent s’attaquer aux auteurs des rapports critiques plutôt que de traiter les problèmes soulevés.
Ce fut le cas lors de la publication des rapports du Conseil économique et social, de l’Instance de probité et de lutte contre la corruption, ou encore du Haut-Commissariat au Plan. Dès que les conclusions n’allaient pas dans le sens souhaité par l’Exécutif, ces institutions ont été attaquées, voire soupçonnées d’être infiltrées par des sensibilités politiques opposées, alors même que leurs membres sont nommés en Conseil des ministres sous la présidence de Sa Majesté le Roi.
Malgré l’intégration d’énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, l’indice de « préparation à la transition » plafonne à 46,4 points, un niveau moyen qui traduit la persistance d’obstacles dans les infrastructures, le financement, et le cadre institutionnel. Des freins qui ralentissent considérablement le rythme de la transformation énergétique.
La réussite de cette transition dépend aussi de la justice énergétique. Si le Maroc a été classé, c’est bien grâce à l’existence d’alternatives énergétiques, mais sans ces options, l’indicateur de justice serait probablement nul. En réalité, le gouvernement gère la question énergétique avec une logique d’épuisement des citoyens, en tolérant des prix de consommation parmi les plus élevés de la région méditerranéenne, voire supérieurs à ceux de pays instables comme la Tunisie.
Le problème ne réside donc pas dans les ressources ou les capacités du Maroc, mais dans la gestion même d’un dossier stratégique, auquel l’État a pourtant accordé toute son attention et mobilisé d’importants moyens.