Les relations franco-marocaines ont franchi un cap important avec la signature du plan d’action conjoint entre la Direction générale de la sûreté nationale du Maroc et la Direction générale de la police nationale française. Ce document constitue une feuille de route commune en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée, traduisant ainsi, selon le communiqué du pôle de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire marocain, le niveau de sérieux atteint par les deux pays dans la construction d’une vision commune de la « sécurité stratégique ».
La sécurité dans tout pays repose sur un plan opérationnel pour la gestion quotidienne, mais elle exige également une stratégie claire pour le long terme. Le partenariat sécuritaire entre la France et le Maroc obéit à cette logique : au-delà de l’échange quotidien d’informations et d’expertises sur le crime et les criminels, une ère nouvelle s’ouvre avec l’élaboration d’une stratégie sécuritaire conjointe entre les deux États.
Ce niveau de coopération sécuritaire n’est pas le fruit du hasard, mais l’aboutissement d’un long processus de collaboration accumulée sur plusieurs années. Il se manifeste notamment à travers les distinctions honorifiques remises à M. Abdellatif Hammouchi, Directeur général de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire, par les autorités françaises. La dernière en date remonte à mardi dernier, lorsque l’ambassadeur de France à Rabat, Christophe Lecourtier, lui a officiellement remis l’insigne et le brevet de l’Ordre national de la Légion d’honneur au grade d’officier, selon le protocole en vigueur de la République française.
L’attribution à M. Hammouchi de la plus haute distinction française constitue une reconnaissance explicite du rôle majeur joué par les services marocains dans les efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elle témoigne également de l’efficacité et de la pertinence de l’assistance sécuritaire mutuelle entre les deux pays, au service d’une sécurité commune.
L’importance de ce plan réside dans sa capacité à institutionnaliser les mécanismes d’une coopération déjà exemplaire depuis des décennies entre les deux polices. Il ouvre la voie à une extension et un approfondissement de ce partenariat, notamment par la création de groupes de travail conjoints capables de faire face aux défis multiples liés à la criminalité organisée, tels que la traque des fugitifs et des personnes recherchées à l’international.
Le passage d’un partenariat général dans des domaines aussi sensibles que la lutte contre le terrorisme ou les réseaux de trafic de drogue et d’êtres humains, à une institutionnalisation formelle et la création de cellules conjointes, marque une évolution vers une coopération de niveau stratégique.
La sécurité stratégique ne diffère pas fondamentalement de la sécurité nationale : il ne s’agit plus simplement d’attendre que le crime se produise sur le sol de l’un des deux pays, mais d’élargir la notion même de frontière sécuritaire. Cette distinction subtile entre frontière géographique et frontière sécuritaire traduit une compréhension fine du fait que la menace peut émerger en un point pour se matérialiser ailleurs.
La France et le Maroc sont liés par de multiples échanges : des millions de personnes transitent entre les deux pays chaque année. Ce flux humain facilite aussi, potentiellement, la circulation du crime. D’où l’idée que la frontière sécuritaire entre les deux nations s’étend jusqu’aux lieux où le crime peut se préparer, avant même de passer à l’acte sur le territoire de l’autre.