La question de la recherche scientifique a récemment suscité un vif débat au sein de l’opinion publique marocaine, suite à un scandale éclaté à l’Université Ibn Zohr d’Agadir. Un « professeur universitaire » y a été surpris en train de vendre des diplômes de master. Par ailleurs, un autre enseignant de la même institution a été poursuivi en justice pour avoir plagié un travail de recherche complet, publié ensuite sous son propre nom après quelques retouches superficielles. Il a été condamné et le livre en question — qu’il utilisait comme support pédagogique — a été retiré. On ignore encore si ce travail avait été validé par la commission scientifique chargée de l’habilitation. À ce propos, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a reconnu la nécessité de revoir entièrement la question de la recherche scientifique.
On peut aujourd’hui affirmer que la recherche scientifique au Maroc traverse une crise sans précédent. Ce qui existe actuellement, à quelques exceptions près, n’a rien à voir avec une véritable activité de recherche : il s’agit principalement d’une simple répétition, voire d’un recyclage de travaux antérieurs — autrement dit du copier-coller pur et dur — ce qui constitue un frein majeur à toute avancée scientifique.
La reconnaissance de cet échec par les responsables est en soi un pas important. Car il ne s’agit pas ici d’un jeu de points entre adversaires, mais d’un enjeu vital : sans recherche scientifique, aucun pays ne peut progresser, même d’un pas.
Mais cette reconnaissance doit s’accompagner de mesures concrètes pour entamer une réforme radicale du système de recherche scientifique. Celle-ci devrait commencer par une redéfinition claire de ce que l’on entend par recherche scientifique. Car on ne peut valider un diplôme sans vérifier que le travail accompli produit un savoir original, portant la marque de son auteur. Une recherche dépourvue d’apport véritable, incapable de faire évoluer les idées ou de nourrir le progrès scientifique et industriel, est tout simplement inutile.
Le plus alarmant est que cette logique du copier-coller, autrefois limitée aux disciplines éloignées des sciences exactes, s’est étendue à ces dernières. Le diplôme est devenu une fin en soi, alors que la recherche scientifique est censée être la clé d’accès au monde de l’industrie et de la production. Sans cela, nous resterons dépendants des autres, réduits à leur fournir une main-d’œuvre technique sans jamais atteindre les niveaux supérieurs de production qui seuls permettent de prétendre à une véritable place dans la course au progrès et à l’existence.
Certains champs disciplinaires — en particulier la sociologie et la psychologie — ne sont pas suffisamment mobilisés dans cette dynamique, alors qu’ils peuvent jouer un rôle fondamental. Ils sont pourtant capables d’alimenter des recherches pertinentes dès la licence, le master ou le doctorat, en posant les bonnes questions sur le système éducatif, de l’entrée de l’enfant dans le monde des apprentissages jusqu’à son insertion universitaire. Ces disciplines peuvent contribuer à lever une grande partie des blocages que connaît aujourd’hui le système éducatif.
Sans une réforme profonde du système de recherche scientifique, il est illusoire d’espérer un véritable progrès dans l’enseignement supérieur. Au rythme actuel, on peut même se demander s’il existe encore, au Maroc, une recherche scientifique digne de ce nom. Une refonte totale du système s’impose.