Mohamed Anouar El Hazziti – Expert en développement territorial et en réforme administrative, membre de l’Institut international des sciences administratives
Alors que les États s’efforcent de renforcer leurs économies, un facteur invisible mais redoutable s’infiltre dans les rouages du développement : la mauvaise gouvernance. Corruption, manque de transparence, inefficacité… autant d’éléments qui redessinent la carte de l’échec institutionnel et coûtent bien plus aux pays qu’il n’y paraît.
L’administration publique n’est pas seulement un outil de gestion des affaires publiques. Elle constitue un levier économique fondamental. Mais lorsque ce pilier chancelle, ce sont les équilibres de croissance et de stabilité qui vacillent. Pour les experts, la mauvaise gouvernance n’est pas qu’un dysfonctionnement administratif : c’est une tumeur économique nourrie par l’impunité, dont les effets se traduisent par des chiffres alarmants dans les budgets nationaux.
Corruption : le trou noir des finances publiques
Au cœur de cette spirale, la corruption s’impose comme l’un des défis majeurs. Fonds détournés, marchés publics taillés sur mesure, services publics affaiblis par le clientélisme.
Les estimations internationales évoquent des milliers de milliards de dollars gaspillés chaque année à cause de pratiques corrompues qui freinent les affaires, fragilisent les infrastructures et alourdissent le coût de la vie.
Si la corruption évoque souvent la simple question de pots-de-vin, ses formes les plus insidieuses résident dans la manipulation discrète des politiques publiques. Des élites restreintes orientent les décisions à leur avantage, laissant la majorité des citoyens au bord de l’exclusion économique. Résultat : une croissance freinée, des inégalités accrues, et un sentiment d’injustice qui gangrène la société.
La confiance citoyenne… une monnaie en chute libre
Plus la confiance des citoyens envers leurs institutions s’effrite, plus celle des marchés et des investisseurs suit le même chemin. Lorsqu’un citoyen constate l’absence de reddition de comptes, il devient plus enclin à échapper à l’impôt ou à se désengager de la vie civique.
L’investisseur étranger, quant à lui, ne s’aventure pas sans lire les indicateurs de transparence et d’efficacité administrative.
Des dépenses publiques sans cap
Dans les pays où la gouvernance est défaillante, l’argent public ne parvient pas à destination. Projets suspendus, infrastructures dégradées, bureaucratie improductive absorbant les ressources.
Le résultat ? Un déficit qui se creuse, une inflation galopante, et une dette publique qui plombe autant l’État que les citoyens.
Une gouvernance faible… une croissance lente
Sur le long terme, les effets sont encore plus marqués. La mauvaise gouvernance étouffe l’innovation, freine la création d’emplois, et rend l’environnement des affaires dissuasif.
Sans politiques intelligentes et inclusives, impossible de stimuler les investissements dans l’éducation, la technologie ou l’économie verte.
C’est ainsi que s’échappent les opportunités de compétitivité globale, laissant les pays s’enliser dans un cercle vicieux de pauvreté et d’injustice sociale.
Gestion des crises : l’épreuve de vérité
Les crises – de la pandémie de Covid-19 aux turbulences financières – révèlent la capacité réelle des États à gouverner. Ceux dotés d’une administration efficace amortissent les chocs et accélèrent la reprise. Les autres, paralysés par une gouvernance défaillante, prolongent la crise et peinent à restaurer la confiance.
Conclusion… bien plus qu’un signal d’alarme
Le constat est limpide : pas de développement sans bonne gouvernance. La route vers une économie solide passe par des institutions fortes, transparentes et responsables.
Seule une gouvernance saine fait la différence entre un pays qui avance et un autre qui lutte pour survivre.