On peut affirmer que cette majorité gouvernementale a bénéficié de ce que peu de gouvernements précédents ont eu, qu’ils soient issus de l’actuelle constitution ou des précédentes. Pendant près de trois ans et demi, elle a évolué dans une stabilité et une harmonie remarquables. Alors, que s’est-il passé pour que ses composantes se déchirent aujourd’hui ? Qui a brisé la sérénité des années précédentes ? Comment expliquer ce revirement soudain vers des rivalités ? Quelle est la véritable histoire derrière ces tensions actuelles ?
Dès le départ, cette majorité s’est construite sur une base solide et confortable, presque hégémonique, remettant en question l’équilibre des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) tel qu’exigé par le système démocratique adopté par le Maroc. Ce système, gravé dans la constitution comme une des constantes fondamentales du pays, est incontournable.
Dès sa victoire aux élections, Aziz Akhannouch, leader du Rassemblement National des Indépendants (RNI), a pu former une coalition aisément, s’associant aux partis arrivés deuxième et troisième. Cette coalition représentait ainsi les trois quarts de la Chambre des Représentants, tandis que l’opposition restait dispersée entre un parti exclu du gouvernement malgré ses efforts pour y participer, un parti habitué au pouvoir et un autre qui a subi une déroute électorale historique.
Avec une majorité stable et des partis acquis à sa cause, Akhannouch a pu établir un gouvernement qui semblait, en apparence, harmonieux et bien coordonné.
Mais aujourd’hui, la scène a changé. Des tensions sont apparues entre les membres de la majorité. Un cadre du RNI critique les autres partis de la coalition, tandis que des dirigeants du Parti Authenticité et Modernité (PAM) dénoncent les attitudes d’Akhannouch envers ses alliés, évoquant même des humiliations subies. De son côté, le Parti de l’Istiqlal s’est montré très critique envers la majorité, marquant une divergence notable.
Cette situation n’a rien de naturel. Si un parti ne se reconnaît plus dans cette coalition, il devrait logiquement s’en retirer, comme cela a été le cas par le passé. Par exemple, lorsque Hamid Chabat, alors secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, s’est opposé au gouvernement Benkirane, il a retiré son parti de la majorité.
Cependant, ce qui se joue actuellement ressemble davantage à une vieille pièce de théâtre bien connue. Les partis de la majorité profitent ensemble des avantages du pouvoir – partage des ressources, des postes et des privilèges. Mais à l’approche des élections, chacun commence à courir derrière ses propres intérêts. Akhannouch risque bien de goûter à la même amertume qu’a subie le Parti de la Justice et du Développement (PJD) avant lui.
Avant les élections du 8 septembre, le RNI jouait déjà un rôle d’opposant au sein même du gouvernement, critiquant ouvertement le PJD malgré sa responsabilité dans des ministères clés comme l’Agriculture, les Finances, et l’Industrie. Ce double jeu d’hier éclaire les rivalités d’aujourd’hui entre les partis de la majorité. Il ne s’agit pas de divergences idéologiques profondes, mais bien de calculs politiques à l’approche des urnes.