Il n’est pas honteux de marquer un temps d’arrêt, et que le ministère de tutelle sur le secteur culturel fasse de même, pour réfléchir à la portée du Salon international du livre et s’interroger sur ses résultats. Un salon du livre devrait, en principe, rapprocher la production culturelle imprimée de ses lecteurs. Or, en l’absence de statistiques officielles sur ce que le Salon a réellement apporté à la culture marocaine, à part une renommée internationale acquise depuis l’époque où il s’appelait le Salon international du livre de Casablanca, le constat est préoccupant.
La lecture est devenue un véritable casse-tête dans de nombreux pays, et particulièrement au Maroc. Le phénomène a été aggravé par l’expansion fulgurante des réseaux sociaux, face auxquels nous n’avons ni su nous adapter ni exploiter leur potentiel pour promouvoir la lecture. Résultat : au Salon, on peut trouver tout… sauf le lecteur.
Nous ne parlons pas ici des exceptions, ces passionnés qui font l’effort de se déplacer de loin pour acheter quelques livres ou romans. En général, nous vivons chaque année au rythme de « l’auteur-phénomène », que les jeunes assiègent pour un autographe ou une photo, bien que ses écrits soient souvent dépourvus de toute valeur littéraire. Il semble toutefois que cette industrie soit aujourd’hui très lucrative, au détriment de l’industrie culturelle véritable.
Un autre facteur qui freine la diffusion du livre – déjà limitée – est le prix élevé des ouvrages, qui dépasse de loin les prix courants. C’est un véritable problème qu’il convient de traiter avec sérieux. Le livre est devenu le dernier des biens auxquels pense le citoyen marocain. Et donc, une hausse des prix signifie davantage d’éloignement de la lecture. La première solution à envisager pour lutter contre la faible lecture est donc d’agir pour réduire les prix.
Le Salon du livre reste un service public à part entière, aussi important que les autres. Puisqu’il a pour vocation de rapprocher le produit écrit du lecteur, il mérite un soutien réel, non pas comme cela se fait aujourd’hui, mais de manière à permettre aux éditeurs de proposer leurs livres à un prix accessible, voire modique. Car à l’heure actuelle, le prix d’un livre équivaut à celui d’un produit de luxe.
Il faut aussi souligner que promouvoir le Salon ne signifie pas promouvoir la lecture. Il est donc urgent de repenser notre approche marketing autour de cet événement. Nous ne faisons même plus la distinction entre un Salon du livre et un salon de marchandises quelconques. La stratégie de communication autour du Salon doit être repensée, avec un recentrage sur la lecture elle-même.
Le fondement du soutien à la lecture passe, avant tout, par le soutien aux médias. Les médias sont le cœur même de la lecture. Le livre peut paraître lourd, tandis que le journal est plus léger, plus accessible. Il est une porte d’entrée vers la lecture, et un outil de promotion du livre. Il s’agit donc d’un cercle vertueux dont nous avons besoin pour réconcilier la société avec l’acte de lire.
Tant que nous ne réfléchirons pas sérieusement à la question de la lecture, le Salon international du livre ne restera qu’une suite de chiffres et d’éditions que l’on égrène comme les jours… sans résultat concret.