Par Mohamed Afri
Malgré le discours enjolivé et tapageur que le gouvernement Akhannouch ne cesse de répandre, la réalité — appuyée par des chiffres officiels émanant d’organisations internationales — s’acharne à dévoiler davantage qu’elle ne révèle.
Depuis son accession au pouvoir, aussi bien exécutif que législatif, le gouvernement Akhannouch ne cesse de claironner ses réussites tous azimuts, mettant en tête de gondole son engagement en faveur de la justice sociale. Ces derniers temps, à l’approche d’une nouvelle échéance électorale, une véritable campagne de propagande s’est mise en branle, à peine voilée, où des voix nous enjoignent avec insistance — voire avec autorité — de reconnaître que ce gouvernement a tenu ses promesses, et même au-delà.
Or, pour mesurer l’écart abyssal entre le verbe et l’acte sous le règne d’Akhannouch, il suffit de lire un récent rapport des Nations Unies, publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), portant sur la condition des femmes dans les zones rurales marocaines. Et lorsqu’il est question du monde rural marocain, ce sont d’abord ses femmes que nous devons mentionner, bien avant les hommes. Car si les hommes s’attachent aux champs, les femmes, elles, se consacrent corps et âme aux tâches domestiques, à l’élevage du bétail et à l’éducation des enfants, bien plus qu’à leur propre éducation, à la formation ou à l’insertion sociale.
Avant même d’en arriver à ces constats, il convient de rappeler le fameux Fonds de soutien au monde rural, qui a fait couler beaucoup d’encre sur le montant alloué, la transparence dans sa gestion, l’identité des bénéficiaires et les retombées attendues sur les villages, en particulier sur leur jeunesse féminine et masculine — un fonds géré à l’époque où Akhannouch cumulait les mandats de ministre de l’Agriculture, durant deux législatures.
Akhannouch, aujourd’hui chef du gouvernement, ainsi que les autres ministres dont les portefeuilles sont directement liés au développement rural et à l’inclusion sociale, n’ont eu de cesse de chanter les louanges de leurs “réussites”. Pourtant, le rapport de la FAO indique sans détour que plus d’un tiers des jeunes femmes rurales au Maroc appartiennent à la catégorie dite « NEET » — c’est-à-dire ni en éducation, ni en emploi, ni en formation. Cela, malgré les avancées notables en matière d’infrastructures routières, censées justement faciliter l’accès des jeunes filles à l’enseignement secondaire et réduire, par exemple, les mariages précoces.
Plus grave encore : selon ce rapport traitant de “la situation des jeunes dans les systèmes agricoles et alimentaires”, les jeunes femmes rurales classées NEET représentent près de 33%, contre environ 26% en milieu urbain. Et il n’est guère surprenant que la proportion de jeunes hommes ruraux en situation similaire — ni en emploi, ni en formation, ni en études — atteigne, elle aussi, des chiffres préoccupants. Le même rapport affirme que 12% des jeunes hommes dans les deux milieux, urbain et rural confondus, se retrouvent dans cette catégorie, dans un pays où les jeunes constituent 16,63% de la population rurale totale.
Personne de sensé ne saurait nier que les campagnes marocaines, malgré leur marginalisation structurelle chronique en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’enseignement supérieur depuis l’indépendance, sont restées des bastions fidèles des partis politiques, notamment lors des scrutins électoraux. Le gouvernement Akhannouch, en grande partie issu de cette confiance rurale, a recueilli la majorité de ses voix dans ces zones. Et pourtant, cinq années se sont écoulées sans qu’aucune volonté réelle ne se manifeste pour sortir la jeunesse rurale — et particulièrement les jeunes femmes — du piège du “NEET”.
Dès lors, une question s’impose avec acuité : le gouvernement Akhannouch, et ceux qui l’ont précédé ou suivront, ont-ils vraiment intérêt à voir la jeune femme rurale rester en dehors des circuits de l’éducation, de l’emploi et de la formation, donc exclue de toute inclusion sociale ?
Enfin, si l’on évoque les initiatives d’inclusion sociale, de développement et les infrastructures, force est de constater qu’elles sont principalement portées par les grands projets royaux, dont l’objectif est de garantir une intégration sociale digne à tout citoyen marocain, où qu’il se trouve — en ville ou à la campagne. Ces zones rurales, auxquelles Sa Majesté le Roi Mohammed VI accorde une attention particulière, les envisage comme le pilier d’une économie nationale en pleine croissance. À l’inverse, Akhannouch et ses semblables, en tant qu’hommes d’affaires et politiciens, ne semblent y voir qu’un réservoir électoral. Rien de plus.