Lors de sa dernière intervention au Parlement, notre chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, nous a annoncé que les résultats préliminaires du projet « Écoles pionnières » présagent d’un avenir prometteur pour l’enseignement au Maroc.
Quand ? Et comment ? Alors même que le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique a abordé, en mars dernier seulement, les problématiques que connaît ce modèle d’école. Celles-ci résident d’abord dans les disparités entre le milieu urbain et le milieu rural, ensuite dans les inégalités entre les régions, et enfin dans la difficulté pour les élèves des niveaux supérieurs du primaire à assimiler les nouveaux programmes instaurés dans ce type d’établissements.
Concernant le niveau des élèves des écoles pionnières en langues et en mathématiques, le rapport intitulé « Évaluation externe de la phase expérimentale du projet des écoles pionnières », émanant de ce même Conseil, révèle que la majorité des élèves ciblés n’a pas bénéficié efficacement des programmes. Une grande partie d’entre eux n’a enregistré aucun progrès, et certains ont même vu leur niveau baisser.
Malgré ces difficultés qui affectent les écoles pionnières, le Chef du gouvernement, fidèle à son habitude, s’est contenté de « chanter les louanges » des chiffres. Il a omis — volontairement ou non — de mentionner un chiffre accablant : la 78e place du Maroc sur 81 pays dans l’indice mondial des compétences futures des élèves.
Ce qui importe pour le Chef du gouvernement, c’est de nous parler des 85 milliards de dirhams alloués à cette expérience, qui prend pour cobayes les enfants des plus démunis — environ 1,3 million d’élèves, soit 30 % des effectifs du primaire — dans une expérience qui peut « réussir ou échouer ».
Un million trois cent mille enfants pourraient ainsi payer de leur avenir l’échec potentiel de cette expérience, comme ce fut le cas pour des générations précédentes issues des classes populaires. Pendant ce temps, les enfants des plus aisés poursuivent leur scolarité dans les grandes écoles privées, qui, elles, ne seront jamais concernées par l’expérimentation de l’école pionnière.
Quiconque observe l’enthousiasme du Chef du gouvernement en évoquant les résultats des écoles pionnières — à savoir une amélioration multipliée par quatre en mathématiques, par trois en français, et par deux en arabe — ressentira une forte dissonance cognitive entre ce qu’il entend et ce qu’il vit réellement à travers son fils ou sa fille scolarisé(e) dans l’une de ces écoles.
C’est là l’origine de l’échec de toutes nos réformes dans le secteur de l’éducation — et ailleurs — : le fossé béant entre les discours théoriques et la réalité vécue par les concernés, une réalité que les responsables, apparemment, ne partagent pas avec nous. En témoigne la déclaration du Chef du gouvernement qui affirme que plus de 30 000 classes ont été équipées de matériel pédagogique et technologique moderne, alors même que certaines zones, y compris dans les grandes villes, souffrent encore d’une connexion Internet faible, voire inexistante.
L’ancien ministre Mohamed Hassad avait déclaré que notre système éducatif est « malade » : les élèves ne maîtrisent ni les algorithmes mathématiques, ni la langue de Molière, ni même les règles de grammaire d’al-Jahiz.
Alors… Aziz Akhannouch aurait-il enfin trouvé leremède miracle ?