Le colloque de Tanger, organisé par la Cour d’appel administrative de Tanger avec le soutien des barreaux de Tanger et Tétouan, a attiré un grand nombre de participants. Cet engouement ne s’explique pas seulement par la thématique centrale du colloque, à savoir le rôle créateur de la justice administrative, mais également par la participation du Conseil d’État égyptien, représenté par son président et plusieurs conseillers. Bien que les échanges aient été riches en contenu et en messages, leur impact concret reste attendu.
La justice administrative au Maroc a connu une montée en puissance notable depuis les années 1990, marquées par une période de crises multiples et une volonté d’ouverture de l’État. C’est dans ce contexte qu’un nouveau souffle a été donné au système judiciaire marocain, avec des réformes destinées à renforcer la démocratie et la modernisation des institutions. L’une des promesses marquantes de cette période fut l’annonce, par le Roi Mohammed VI en décembre 1999, de la création d’un Conseil d’État, destiné à protéger les citoyens contre les abus de l’administration publique. Cependant, ce projet reste à ce jour non réalisé.
Le colloque de Tanger a été l’occasion de mettre en lumière les expériences comparées du Maroc, de l’Égypte et de la France en matière de justice administrative. La question centrale demeure : comment institutionnaliser ce rôle créateur et garantir sa pérennité ? Certains participants ont plaidé pour une indépendance renforcée de la chambre administrative de la Cour de cassation, en suivant l’exemple de la transformation de la chambre constitutionnelle en Conseil constitutionnel, puis en Cour constitutionnelle indépendante.
Toutefois, malgré l’importance de cette réflexion, la conférence n’a pas pleinement capitalisé sur cette opportunité pour réitérer l’engagement royal initial. La prise de parole du représentant du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, bien que respectueuse des invités égyptiens, n’a pas évoqué explicitement cette recommandation fondatrice du Roi Mohammed VI.
Tanger, en tant que ville au riche passé diplomatique et judiciaire, notamment durant la période de son statut international, s’impose comme un lieu symbolique pour ce type de débats. L’organisation de ce colloque reflète une volonté de redonner à la justice administrative son rôle essentiel dans la défense des droits des citoyens et la limitation des excès de l’administration. Cependant, pour consolider cet acquis, il sera crucial d’engager des réformes institutionnelles à long terme, notamment en concrétisant la création du Conseil d’État marocain, qui reste une pierre angulaire pour la modernisation de la gouvernance et la consolidation de la démocratie.
La balle est désormais dans le camp des décideurs pour transformer ces discussions en actions concrètes. L’espoir reste que cette initiative de Tanger marque le début d’une nouvelle dynamique pour la justice administrative au Maroc.