Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira ne cesse de surprendre. Cette année, l’événement accueille pour la deuxième fois consécutive le programme “Berklee au Festival Gnaoua”, fruit d’un partenariat inédit entre les Maâlems marocains et le prestigieux Berklee College of Music de Boston. Une rencontre au sommet entre tradition spirituelle africaine et excellence académique occidentale.
Derrière cette initiative, une ambition claire : faire de la musique Gnaoua une matière vivante, enseignée, transmise, étudiée à l’échelle internationale. Pendant plusieurs jours, jeunes talents marocains et musiciens venus de divers horizons partagent scènes, ateliers et masterclasses avec des enseignants de Berklee. L’occasion pour ces artistes en devenir d’explorer de nouvelles approches musicales, de confronter leurs savoirs, et d’ouvrir de potentielles portes vers une carrière internationale.
Mais cet échange est loin d’être à sens unique. Pour les professeurs de Berklee, il s’agit d’un véritable voyage au cœur d’un patrimoine immatériel riche et complexe. Plongés dans les rythmes envoûtants et les rituels ancestraux des Gnaoua, ils découvrent une musique qui ne se joue pas seulement avec des instruments, mais aussi avec l’âme.
Ce programme représente également un tournant pour l’institution américaine : c’est la première fois que Berklee s’engage de manière active sur le sol africain. Si l’école dispose déjà d’un département dédié aux études africaines de la diaspora, cette immersion à Essaouira lui permet un contact direct avec les racines mêmes des traditions musicales du continent.
Le succès rencontré par la première édition a confirmé la pertinence de cette aventure. En 2024, 44 musiciens de 10 pays avaient répondu à l’appel. Cette année, ils seront 74, venus de 24 pays, à participer à cette expérience unique. Une montée en puissance qui témoigne de l’intérêt croissant pour ce croisement des cultures.
Au-delà du symbole, ce projet trace une voie concrète vers la reconnaissance académique de la musique Gnaoua. Il s’agit de la faire sortir des marges folkloriques ou touristiques, pour l’inscrire dans des programmes pédagogiques, la documenter, l’analyser, et surtout, la transmettre. Tout en respectant ses fondements spirituels, l’initiative permet à cet art ancestral de s’enraciner dans l’avenir.
Essaouira devient ainsi, le temps d’un festival, un laboratoire de création et de transmission, où les frontières entre traditions et modernité s’effacent au rythme du guembri. Une preuve, s’il en fallait, que la musique peut être à la fois mémoire et mouvement.