Il convient d’affirmer dès le départ, et avant toute chose, que nous avons laissé les forces de l’ordre seules face à un type de criminalité mêlant manque d’éducation, drogue et utilisation d’armes blanches. Ces derniers jours, nous avons assisté à des scènes étranges de jeunes Marocains, à peine pubères, affrontant les agents de sécurité et les citoyens, armés de sabres meurtriers. Ce fut le cas à Tamesna, où un individu s’est exhibé en défiant tout le monde, ou encore à Zagora, où un commissaire de police a été agressé lors de l’arrestation d’un criminel dangereux, sans parler de l’usage de chiens d’attaque.
Évidemment, le rôle de la police est de protéger la société contre le crime et de travailler jour et nuit pour l’éradiquer. Il ne fait aucun doute que les services de sécurité jouent un rôle essentiel dans la préservation de l’intégrité physique des citoyens et dans la lutte contre toutes les formes de criminalité, en les neutralisant dès leur apparition.
Mais il faut être clair et mettre les points sur les i. Le travail des forces de l’ordre dans la lutte contre le crime n’intervient qu’après l’action de plusieurs autres acteurs, dont le rôle est fondamental dans la prévention de la criminalité. Si les services de sécurité étaient défaillants, on pourrait les accuser de contribuer à l’essor du crime. Mais puisqu’ils accomplissent leur mission, le débat doit porter sur les autres intervenants qui, eux, ont abandonné le terrain.
Après le désengagement de la famille de son rôle éducatif — ce qui n’est pas toujours de sa faute, vu les difficultés économiques et sociales —, ce sont les partis politiques qui arrivent en tête des acteurs ayant démissionné. Ils sont pourtant censés encadrer la société et particulièrement la jeunesse, avec tous les outils que le législateur leur a accordés à cet effet. Autrefois, ces partis disposaient de structures pour accueillir les jeunes dès leur plus jeune âge et les préparer à devenir des citoyens engagés.
Viennent ensuite les associations de la société civile, qui représentaient autrefois un refuge pour les jeunes. Les maisons des jeunes étaient des lieux de rassemblement pour les adolescents, aussi bien en ville qu’à la campagne. Aujourd’hui, la plupart des associations courent après les financements, et les jeunes se retrouvent à errer dans les rues, livrés à eux-mêmes, apprenant la dérive et l’errance dès le coin de leur quartier.
Le pire, c’est que cette démission a coïncidé avec l’engagement des médias publics dans la promotion de la futilité. Et ce n’est pas tout : ils participent désormais à la diffusion de la culture de la « tcharmil », sous prétexte de refléter la réalité. Or, l’art n’a pas pour mission de refléter le réel, mais d’y répondre, d’éduquer le goût, de l’élever au lieu de l’abaisser, comme c’est malheureusement le cas ces dernières années. Il suffit de regarder les séries diffusées pendant le Ramadan pour mesurer la promotion de comportements dégradants, des insultes jusqu’aux mœurs corrompues, sans aucun traitement ni analyse, ce qui transforme l’art en un vecteur inverse de celui espéré. À cela s’ajoutent les appels à la violence sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui, nous faisons face à un phénomène dangereux qui nécessite une mobilisation générale : du gouvernement à l’école, en passant par les partis politiques, les associations civiles et la justice, qui doit durcir les peines contre ces criminels.