Par Lakbir Belkrim
Ce proverbe populaire marocain — « Qalou bbaak taaH, qalou men lkhayma khrej mayl » (« On dit que ton père est tombé, on a répondu : il est sorti de la tente déjà de travers ») — m’est revenu à l’esprit à la lumière de ce qui est diffusé et relayé au sujet du scandale de la vente de diplômes de doctorat et de master. Une affaire qui a conduit un professeur universitaire devant les enquêteurs, soupçonné d’y être impliqué. Aujourd’hui, le fil blanc commence à se distinguer du fil noir.
Certains fonctionnaires, professions libérales et titulaires de diplômes universitaires — mais dépourvus de toute compétence réelle — ont réussi à intégrer la fonction publique. Pire encore, certains ont même accédé à l’enseignement supérieur et à des professions réglementées, malgré leur manque flagrant de qualifications. Cette situation a amplifié les déséquilibres et les dysfonctionnements dans nos institutions. De telles personnes ne peuvent en aucun cas incarner l’effort, la performance ni l’efficacité, car, comme le dit le proverbe, « ils sont sortis de la tente déjà de travers ».
Je me rappelle ici du discours royal prononcé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’ouverture d’une session parlementaire en 2016. Un discours fort et sincère, dressant un diagnostic lucide de l’état de l’administration marocaine et appelant à surmonter les défaillances et les déséquilibres au service du citoyen, qui devrait être au cœur des préoccupations de l’administration — et non pas relégué à une position secondaire, balloté entre les services, les procédures et la bureaucratie. Ce discours royal, par sa clarté et sa franchise, a été salutaire : il était global, direct et porteur d’une vision pour ce que l’administration marocaine doit devenir.
Le Souverain y critiquait la faiblesse de la performance dans les administrations publiques, la qualité des services offerts aux citoyens, le manque d’efficacité, l’absence de sens des responsabilités chez de nombreux fonctionnaires, et la persistance d’une culture archaïque selon laquelle l’administration n’est qu’un abri garantissant un salaire mensuel, sans aucune obligation de rendement.
Il ne faut pas non plus écarter l’impact du faible niveau de formation scientifique et intellectuelle dans l’apparition de ces dysfonctionnements. Porter un diplôme sur papier cartonné avec un esprit vide ne mène qu’à l’imposture. Pourtant, sans la moindre gêne, certains osent postuler à des postes publics, à des fonctions dans les institutions, ou dans les professions libérales, en quête d’un statut que seule leur fausse qualification semble justifier — mais en aucun cas leur réelle compétence.
Le phénomène de la vente de diplômes de doctorat et de master n’est pas exclusif à une ville ou au Maroc. Il s’agit d’un phénomène mondial, présent dans de nombreux pays, notamment dans les pays en développement — et même dans certaines parties de la Russie, du Canada, des États-Unis, et ailleurs.
Cependant, il est inacceptable qu’un individu se présente avec un diplôme supérieur falsifié pour demander un emploi ou intégrer une profession réglementée. Et s’il parvient à y accéder, il ne faut pas espérer de sa part une quelconque valeur ajoutée. Ce que l’on récoltera, ce sont davantage de dysfonctionnements, de déséquilibres et de problèmes qui freineront le progrès du service public ou de l’organisme qu’il aura infiltré.
Il faut rappeler ici que l’image de l’administration reste étroitement liée à celle de ses fonctionnaires. Ces derniers incarnent l’institution publique aux yeux des citoyens et des usagers. Dès lors, la faiblesse de la qualité des services, l’inégalité d’accès et l’absence d’équité trouvent souvent leur origine dans l’incompétence de ceux qui les délivrent. La qualité des prestations offertes aux citoyens reste tributaire des compétences scientifiques, intellectuelles et formatives de ceux qui les assurent — notamment dans les secteurs clés comme l’enseignement, la santé ou la justice.