Depuis l’indépendance en 1962, l’armée algérienne a toujours exercé une influence décisive sur la vie politique, malgré les visages civils qui se sont succédé en façade. Cette emprise militaire, parfois sous forme de tutelle, parfois sous forme de contrôle direct, a laissé son empreinte sur la question des libertés : qu’il s’agisse de liberté d’expression ou de liberté d’organisation.
1. La répression : un mécanisme assumé ou dissimulé
Depuis le Hirak pacifique de 2019, les arrestations et les poursuites judiciaires se sont multipliées, visant aussi bien des militants, des journalistes que des responsables politiques. Les chefs d’accusation sont souvent fourre-tout : “atteinte à la sécurité nationale”, “diffusion de fausses informations”, et autres formules qui servent à museler toute voix critique. Des organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International ont documenté une augmentation inquiétante du nombre de prisonniers d’opinion.
2. Médias : entre domestication et censure
Les médias publics fonctionnent comme un porte-voix officiel du pouvoir, limités à la glorification et à la justification. Quant aux médias privés, malgré leur apparence d’indépendance, ils restent prisonniers de lignes rouges invisibles :
L’armée est un sujet tabou.
Les débats sérieux sur la nature du pouvoir sont quasi inexistants.
Même des journalistes indépendants, comme Khaled Drareni, ont payé un lourd tribut pour avoir couvert des manifestations ou exprimé des opinions critiques.
3. Les partis politiques : une vitrine sans influence réelle
Le paysage politique algérien regorge de partis officiels, mais rares sont ceux qui ont un réel poids. Les grandes formations comme le FLN et le RND gravitent dans l’orbite du pouvoir. Quant aux partis d’opposition “autorisés”, ils sont souvent confrontés à des entraves administratives, financières et médiatiques qui les réduisent à un simple décor démocratique. Créer un nouveau parti ? Un véritable parcours du combattant face à la bureaucratie et au veto administratif.
4. Le Hirak : un espoir brisé
La mobilisation populaire de février 2019 avait fait naître un espoir immense de changement. Mais le pouvoir a su habilement contenir cette dynamique :
Enflammer le discours nationaliste et populiste.
Accroître la répression.
Exploiter la pandémie de Covid-19 pour verrouiller l’espace public.
Aujourd’hui, le Hirak est à peine un souvenir : ses figures sont en prison, en exil ou sous surveillance.
5. Une justice instrumentalisée
Sans une justice indépendante, impossible de garantir les libertés. En Algérie, la justice sert encore d’outil politique. Les arrestations et les condamnations obéissent souvent aux desiderata des appareils sécuritaires plus qu’à la loi.
Y a-t-il un espoir ?
Oui. Malgré la répression, la société algérienne conserve une conscience politique aiguisée. La jeunesse, les élites et la société civile poursuivent le combat, malgré les risques. Les libertés ne se concèdent pas, elles s’arrachent par une lutte pacifique, persévérante et cumulative.
Conclusion
Un pouvoir militaire ne conçoit pas le pluralisme ni la contestation. La logique sécuritaire prime sur le reste. C’est pourquoi, en Algérie, tout horizon démocratique passe par une véritable séparation entre l’armée et le pouvoir civil.