Il ne reste plus qu’à désigner les membres de la commission parlementaire d’enquête sur l’importation de bovins, d’ovins et de viandes rouges, une commission créée uniquement pour éviter la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, telle que réclamée ou demandée par l’opposition. Afin d’échapper à cette tâche difficile, la majorité a proposé une commission d’enquête exploratoire, mais la différence entre les deux est énorme.
La commission d’enquête exploratoire a un mandat vague : elle se limite à interroger les parties concernées par le dossier, sans disposer d’un pouvoir contraignant. Son rapport n’a qu’une portée médiatique et informative, sans force juridique permettant de donner suite à ses conclusions. À l’inverse, la commission d’enquête parlementaire dispose de pouvoirs dont la commission exploratoire est dépourvue. Elle a le droit légal d’auditionner toute personne concernée, sans que celle-ci puisse se soustraire à cette obligation. Le rapport qu’elle établit peut être transmis aux autorités judiciaires compétentes pour donner lieu à des suites légales.
Pour échapper à une véritable reddition de comptes, on a donc inventé une mission qui n’entraîne aucune conséquence juridique. Même si elle parvenait à révéler certaines vérités, elle ne pourrait dépasser son rôle purement médiatique. On peut ainsi considérer que la création d’une commission exploratoire, à la place d’une commission d’enquête parlementaire, est une fuite devant la responsabilité. Ceux qui ont proposé cela craignent que le peuple découvre la vérité, de peur que la reddition de comptes populaire lors des élections soit assortie d’une reddition de comptes légale.
Il est frappant que la mise en place de cette commission exploratoire coïncide avec la fête de l’Aïd al-Adha, durant laquelle Sa Majesté le Roi, en sa qualité de Commandeur des croyants, a choisi d’alléger la charge de son peuple en les dispensant du sacrifice rituel, tout en leur permettant de conserver les autres rites. Cette décision, conforme à l’école juridique marocaine modérée, signifie qu’aucun Marocain n’a à se sentir coupable de ne pas acheter de mouton pour l’Aïd, d’autant plus que cette mesure a une portée juridique visant à protéger l’intérêt général en sauvegardant le cheptel.
Cette coïncidence révèle que le Maroc a vécu l’une des plus grandes supercheries de son histoire, incarnée par ce gouvernement et par l’héritage qu’il a reçu du Plan Maroc Vert. De nombreux pays, malgré des conditions extrêmement difficiles, ont réussi à atteindre l’autosuffisance en matière d’élevage, tandis que nous, qui avons dépensé des milliards de dirhams pour le Plan Maroc Vert, n’avons vu ni pâturages ni cheptel dignes de ce nom.
Dans un pays qui a consacré 52 milliards de dirhams à un seul des fonds de développement rural, sans parler des nombreuses autres subventions, on aurait dû assister à l’émergence d’un Maroc capable d’assurer sa souveraineté et sa sécurité alimentaires. Heureusement, notre pays dispose d’institutions solides qui garantissent la sécurité et la stabilité ; le gouvernement aurait dû les mobiliser pour construire un avenir durable reposant sur la sécurité alimentaire, le type de sécurité le plus fondamental. Car l’absence de sécurité alimentaire entraîne des répercussions sur tous les autres aspects de la sécurité, compliquant ainsi le travail des autres institutions.
La fête a ainsi mis à nu l’échec du Plan Maroc Vert, un échec dont porte l’entière responsabilité Aziz Akhannouch, qui en avait la tutelle depuis son poste de ministre de l’Agriculture et qui détenait une délégation du chef du gouvernement lui permettant de le gérer et de dépenser les fonds du Fonds de développement rural.