Alors que les revendications populaires pour lutter contre la corruption et réduire la fraude ne cessent d’augmenter, le rapport de « Transparency Maroc » vient mettre les points sur les « i », révélant un recul du Maroc dans l’indice de perception de la corruption. Cette situation préoccupante appelle à une réaction ferme. Pourtant, la réponse du gouvernement à ces révélations n’a été qu’un silence pesant, accompagné de critiques injustifiées contre le rapport, comme si le problème n’était pas la propagation de la corruption, mais bien le fait de l’exposer à l’opinion publique.
Ce rapport n’est pas seulement choquant en raison de ses conclusions, mais aussi parce qu’il remet sur la table une question que tout le monde évite : Qui protège la corruption au Maroc ? Les indicateurs sont clairs, les pratiques sont visibles, mais la volonté politique pour y mettre fin semble absente, si ce n’est résistante à toute réforme sérieuse.
La normalisation de la corruption : d’un phénomène isolé à un système enraciné
La corruption n’est pas un accident isolé, ni de simples dysfonctionnements individuels ici et là, mais un système intégré qui s’infiltre dans les différentes institutions de l’État, des administrations publiques aux grands marchés publics, au point que sa « normalisation » est devenue monnaie courante. Lorsqu’un citoyen ne peut obtenir un document administratif sans « un pourboire », lorsque des privilèges sont distribués aux proches sans aucun contrôle, ou lorsque la corruption devient un levier d’ascension sociale, il ne s’agit plus d’exceptions, mais bien des règles du jeu imposées à tous.
Bien que le Maroc ait officiellement adopté un discours de lutte contre la corruption, la réalité montre que cette guerre n’a jamais réellement commencé, ou peut-être que le gouvernement n’a jamais eu l’intention de la mener. Comment alors expliquer cette complicité silencieuse ? Pourquoi affaiblir les institutions chargées de lutter contre la corruption au lieu de les renforcer ? Et pourquoi tant de résistance face à toute réforme sérieuse ?
Trois actions gouvernementales pour protéger la corruption au lieu de la combattre
Au lieu de mettre en place une stratégie efficace contre la corruption, les actions récentes du gouvernement marocain donnent des signaux inverses, suggérant qu’il ne se contente pas d’ignorer le problème, mais qu’il pourrait même contribuer à renforcer la corruption. Trois éléments clés illustrent cette tendance :
1. L’attaque contre les institutions de contrôle
Au lieu d’utiliser les rapports des organismes indépendants pour améliorer la situation, le gouvernement a sévèrement critiqué le rapport de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption. Ce rapport souligne que la corruption n’est plus une simple série de cas isolés, mais un véritable système organisé. Ce déni public montre que le gouvernement est plus gêné par la vérité que par la corruption elle-même.
2. Le gel du Comité national de lutte contre la corruption
Ce comité, présidé par le chef du gouvernement, n’a tenu que deux réunions depuis sa création en 2019. Une telle inactivité reflète un manque flagrant d’engagement politique. En réaction à cette paralysie, Transparency Maroc a refusé de désigner un représentant en remplacement de son ancien secrétaire général décédé, qui, avant sa mort, envisageait déjà de démissionner en raison de l’inefficacité du comité.
3. La suppression de la cellule anti-corruption de la primature
Cette cellule, bien que limitée dans ses actions, avait une valeur symbolique forte, montrant une volonté gouvernementale de lutter contre la corruption. Sa suppression envoie un message clair : le gouvernement ne veut même plus faire semblant de s’engager contre ce fléau.
La corruption : un fléau fabriqué et protégé
La corruption n’est ni une fatalité ni une étape obligatoire dans l’histoire d’un pays, mais bien le produit d’élites corrompues qui créent et entretiennent des réseaux d’intérêts. Ces réseaux assurent une « distribution équitable » de la corruption dans la société, rendant chaque institution et chaque administration imprégnée par ce fléau, afin qu’il devienne banalisé et accepté socialement.
Dès lors, combattre la corruption ne signifie pas seulement punir quelques fonctionnaires corrompus, mais bien démanteler un système entier. Or, tout indique aujourd’hui que ceux qui devraient mener cette lutte sont en réalitéceux qui en bénéficient le plus.