La classe ouvrière célèbre aujourd’hui la Journée internationale de son combat, et la classe ouvrière marocaine, à l’instar de ses homologues dans le monde, commémore également cette journée.
Mais les célébrations de cette année et des années récentes rappellent les vers du poète :
« Ô fête, dans quel état es-tu revenue ?
Comme autrefois, ou avec un renouveau dans ton contenu ? »
La fête ne revient plus comme avant, mais elle apporte un renouveau — et quel renouveau ! Un renouveau profond s’est opéré à ce niveau, mais tout renouveau n’est pas nécessairement positif, bien au contraire : nombre de ces changements sont extrêmement négatifs.
La fête du travail est aujourd’hui marquée par deux constats majeurs :
l’absence de stratégie gouvernementale en matière d’emploi, et l’absence de stratégie syndicale dans le combat revendicatif.
Le gouvernement, dont le chef Aziz Akhannouch a présidé avant-hier la commission ministérielle chargée du suivi de la stratégie de l’emploi, ne dispose pas en réalité d’une véritable stratégie en la matière, comme en témoignent les confusions annuelles autour des chiffres relatifs à la création d’emplois. Hormis les données officielles relatives à la fonction publique, il n’existe aucun chiffre fiable ni cumulatif.
L’État ne possède pas de stratégie claire pour l’emploi, car celui-ci est lié au travail, lequel dépend de la production de richesse — une richesse qui, sous le gouvernement actuel, est devenue concentrée et résumée dans une « coalition d’intérêts majeurs ». Cela s’est fait au détriment des petites entreprises, et dans une moindre mesure des moyennes entreprises, dont des centaines ferment leurs portes chaque année.
Le nombre constant d’entreprises qui ferment constitue une preuve de l’échec de la stratégie de l’emploi — ou plutôt de la construction de cette stratégie selon une vision partiale. Cette dernière hypothèse est la plus probable, car le gouvernement semble œuvrer pour des intérêts étroits, au lieu de servir le marché du travail. Encourager les grandes entreprises est certes nécessaire en raison de leur rôle central dans la production, mais encourager les PME est tout aussi crucial, étant donné qu’elles créent des centaines de milliers d’emplois.
Ce que fait le gouvernement actuellement revient à encourager l’économie informelle, qui ne produit qu’un revenu de subsistance. Bien que cela assure l’autosuffisance de milliers de familles, cela ne contribue pas à la production nationale. Tout emploi qui ne génère pas de revenus pour le Trésor public ne peut être considéré comme productif au niveau national, car ses bénéfices profitent à quelques individus, et non au pays tout entier comme cela devrait être le cas.
Quant aux centrales syndicales, elles sont passées de syndicats porteurs de stratégies de lutte à des syndicats opérant au jour le jour, comme on dit.
Le gouvernement agit avec une logique d’intérim. Ce qu’il fait pourrait être accompli par n’importe quelle société de sous-traitance chargée de la gestion quotidienne. Il n’y a pas d’idées stratégiques pour sortir de l’impasse, pour surmonter la crise ou échapper à l’étranglement : seulement une gestion du quotidien par le quotidien, et de la crise par la crise.
De leur côté, les centrales syndicales ont adopté une gestion purement revendicative des dossiers, un rôle autrefois réservé aux syndicats sectoriels et aux sections locales. Les centrales, elles, étaient censées définir la stratégie de lutte. C’est ainsi que les syndicats ont autrefois obtenu des acquis qui demeurent encore aujourd’hui. Un syndicat ne doit pas se contenter de mobiliser pour des grèves, mais il doit être une force de proposition capable de mettre le gouvernement dans l’embarras lorsqu’il fuit ses responsabilités.